L’association, le Rassemblement pour la Démocratie à la Télévision, la Journée sans Sarkozy, l’entretien

Action Littéraire
: Vous êtes l’un des co-fondateurs d’une nouvelle association,
«le Rassemblement pour la Démocratie à la
Télévision
». Il y a quelques jours, quelques
médias ont relayé votre appel pour une journée
symbolique, une Journée sans Sarkozy dans les médias.
Vous trouvez donc que Sarkozy est chaque jour dans les médias,
vous avez des preuves ? ! Et comment cela est-ce possible ?

Pierre Bitoun (Président de l’association RDT)
: Les preuves quantitatives de la surmédiatisation de Sarkozy
ne manquent pas. Selon le baromètre des JT publié le 10
septembre par INA’Stat, il occupe une place prépondérante
et, sur la période d’avril à juin dernier, arrive en
tête des personnalités médiatisées par les
JT. Selon des sources internes à l’AFP qui m’ont été
communiquées, il y aurait eu depuis son arrivée à
l’Elysée, 12 000 dépêches le concernant ;
faites le compte : sur 100 jours , c’est 120 dépêches
quotidiennes, sur 4 mois, 100 ! Mais, au-delà des chiffres, il
y a la perception qu’en a l’opinion publique. Si notre appel a
été si rapidement et fortement relayé, c’est
bien parce que les gens ont clairement conscience du traitement de
faveur dont bénéficie Sarkozy dans les médias,
du véritable culte de la personnalité qui s’est
développé autour de lui. Comme nous l’a écrit
un internaute : “J’ai voté pour Sarko, pas pour de l’intox
!
” Comment en est-on arrivé là ? Je crois qu’il
faut distinguer plusieurs facteurs qui, dans la réalité,
se conjuguent, font mayonnaise : une cellule de communication de
l’Elysée qui travaille à plein régime
, les
connivences de milieu et d’idéologie entre les journalistes
qui détiennent les postes-clés dans les médias
et la droite française
, l’obsession de l’exécutif,
du Pouvoir que cultivent maints journalistes, et enfin la récente
starisation, à l’américaine – ce qu’on appelle la
peoplisation – des hommes politiques
. Ce sont tous ces facteurs –
et peut-être d’autres encore que j’oublie – qui font la
sarkozite médiatique
!

AL : Est-ce que cet appel est
resté, malgré tout, confidentiel, ou a t-il eu des
échos inattendus ?

PB : Cet appel connaît un
important retentissement alors qu’au départ nous n’avons
envoyé aucun communiqué de presse ! Il a simplement
fait boule de neige sur le Net et, pour une fois, en est sorti.
L’essentiel de la presse écrite et audiovisuelle française
s’en est fait l’écho, témoignant par là même
d’un mécontentement sans doute ancien et profond parmi les
journalistes. Des médias étrangers, en Allemagne,
Italie, Belgique, Suisse, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Corée
du Sud, etc., en ont également rendu compte ou s’apprêtent
à le faire. Enfin, nous recevons de la part de nos
compatriotes un abondant courrier de soutien, souvent enthousiaste.

AL : L’association a des objectifs qui concerne donc «la
télévision», ce qui, aujourd’hui, avec les
chaînes satellites, représente un espace important.
Quels sont-ils ?

PB
: Le Rassemblement pour la démocratie à la
télévision(RDT) s’est fondé sur deux
objectifs. D’abord, interdire la réalisation des sondages
durant
les trois mois qui précèdent un scrutin
électoral afin d’éviter que notre bulletin de vote,
notre premier et, pour beaucoup, seul moyen d’expression, ne soit
sous influence, sous tutelle. Nous réclamons un minimum
d’opacité afin de récupérer de la liberté,
de conscience, de choix, et nous voulons aussi reconquérir de
l’espace, du temps médiatique pour débattre
réellement de politique : il y en a assez des commentaires à
l’infini des sondologues sur tel ou tel chiffre, tel ou tel
pronostic ! Ensuite, nous proposons de démocratiser la
fabrication et la présentation des JT de TF1 et France 2
suivant un dispositif participatif
: pendant un temps (une semaine,
15 jours ou 1 mois s’il le faut pour des questions d’organisation),
c’est un journaliste-superstar de la chaîne qui assure, avec
son équipe, la confection et la présentation du JT ; la
période suivante, c’est un journaliste extérieur (qui
peut venir de la presse écrite, la radio, d’Internet, etc.),
volontaire, rémunéré et représentatif
d’un courant d’idées ou d’opinion qui se charge du
travail, avec son équipe ou celle de la chaîne ; la
période encore suivante, c’est au tour d’un citoyen,
volontaire, rémunéré, représentatif d’un
milieu social ou d’une question de société, d’être
le rédacteur en chef-présentateur. Et ainsi de suite…
Par cette proposition, et d’autres de même esprit que l’on
pourrait décliner sur les chaînes d’information en
continu ou à la radio, nous voulons mettre en débat la
confiscation des heures de grande écoute par une minorité
de journalistes du public comme du privé
et démontrer
qu’une télévision, instrument de démocratie,
d’écoute des autres, est tout à fait envisageable…
Existera-t-elle un jour ? De même, libèrerons-nous un
jour notre bulletin de vote de l’influence des sondages ? Je n’en
sais rien car nous avons affaire à forte, très forte
partie. Mais le combat vaut d’être engagé et il
requiert que le plus grand nombre se mobilise…

AL
: Entre les citoyens-télespectateurs et le monde de la
télévision, de ceux et celles qui la font, il semble
qu’elle constitue un mur, que les premiers soient destinés à
être des cerveaux disponibles, et les seconds les scribes
appliqués de l’écriture d’une pensée dans ces
cerveaux disponibles, en somme, que les premiers sont considérés
par les seconds comme des moutons qui sont dociles et doivent le
rester. Vous pensez que les citoyens peuvent être capables de
poser des problèmes à cet ordre qui se pense de droit
divin… ?

PB : Bien sûr ! Car cet ordre n’a
justement rien de divin et qu’il est fabriqué par des
hommes, des groupes d’intérêts qui se servent de la
télévision pour modeler les esprits, asseoir leur
pouvoir, multiplier leurs profits. Et donc on peut le changer, en
créer un autre, si comme je le disais à l’instant, on
joue sur la loi du nombre qui est notre arme essentielle. Tous les
mots, comme vous pouvez l’imaginer, dans l’intitulé de
notre association, ont été soigneusement pesés,
choisis : “rassemblement” en référence à
cette idée que tous, citoyens et journalistes (car il existe
aussi des scribes libres !), doivent se mobiliser,  “démocratie
à la télévision
” pour signifier que le temps
est venu, non plus seulement de critiquer, de dénoncer mais de
transformer la télévision et, par la même, la
démocratie
.

AL : Dans une vidéo enregistrée
aux Journées d’été du Parti Socialiste, Daniel
Schneidermann raconte
que lui et son équipe se sont toujours
intéressés aux télévisions du monde, et
notamment des pays dans lesquels les libertés sont réduites;
et que, à cette rentrée, avec la disparition de la
grille d’Arrêts sur Images sur la 5ème*, ainsi qu’avec
de nombreux autres faits majeurs (ce que sont devenus les JT, les
programmes quotidiens), «on y est», c’est-à-dire
que nous sommes entrés d’une manière plus évidente
et dramatique dans une dictature. Est-ce votre sentiment et votre
analyse ? Et que pensez-vous de la renaissance d’Arrêt sur
Images sur Internet
?

PB
: Je ne pense pas qu’on puisse parler de dictature, car les
fondements de l’Etat démocratique (libertés
individuelles, suffrage universel, etc.) ne sont pas remis en cause
dans leur principe. En revanche, une dictature médiatique, oui
: les heures de grande écoute télévisuelle sont
confisquées, les pensées à la fois courtes et
dangereuses pour le bien commun qui y sont développées
font tache d’huile dans bien d’autres médias. Et donc,
dans les consciences. Pendant ce temps, tous ceux qui pensent,
vivent, agissent autrement voient leurs possibilités de
diffusion réduites ou se trouvent carrément ghettoïsés.
J’espère de tout cœur que Daniel Schneidermann, et toute
l’équipe d’Arrêt sur images, vont réussir à
surmonter, via Internet, la scandaleuse censure qui vient de
s’abattre sur cette émission de qualité.

Téléchargement bulletinderentre0607.pdf

Téléchargement manifesterdt_et_adhesion.pdf

——————————-

cf. le cas Ardisson sur Vox Populi, ici et

 

         

                        



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