Beppe Grillo/Etienne Chouard : l’énergie du changement face à l’inertie des abstractions

En Italie, le travail de plusieurs années de Beppe Grillo et du mouvement 5 étoiles a abouti (dans un contexte où les élites, représentées par M. Mario Monti, n'ont pas hésité à nationaliser les pertes, privatiser les profits, à augmenter les conditions d'enrichissement des plus fortunés et à aggraver la situation des plus modestes, ont été récusées par un vote clair) à un résultat électoral extraordinaire, hautement problématique. Car au lieu de construire une réflexion, nationale, italienne, et plus large, européenne, internationale, avec un véritable projet fondé sur des arguments solides, Beppe Grillo s'est contenté d'entretenir la flamme d'une contestation nourrie d'intentions pertinentes et de délires. Et, devenue une force au moins négative (refus d'accorder la confiance à un gouvernement), cette organisation peut favoriser ses adversaires, puisqu'une nouvelle élection ne lui garantit pas le même niveau de résultat. Et si de nouvelles élections devaient être convoquées, il est probable qu'une partie non négligeable des électeurs du Mouvement 5 étoiles pourrait sanctionner cette négativité, quand eux en attendent des changements, qui doivent nécessairement être négociés. Or, pour l'heure, Beppe Grillo qui parfois laisse entendre qu'il veut 100% de résultats en sa faveur pour pouvoir dirigé seul le pays, n'est pas un négociateur, puisqu'il se contente de répéter ses exigences et de ridiculiser celles et ceux avec qui le Mouvement 5 étoiles pourrait envisager un accord. Beppe Grillo saura t-il être changé par ce résultat, non pas pour trahir ses engagements et volontés, mais pour être capable d'organiser une Majorité novatrice ? Quoiqu'il en soit, son Mouvement bénéficie d'un tel résultat, parce qu'il travaille le corps civique Italien depuis des années, et que désormais, sa dénonciation d'élites corrompues et gavées de revenus a obtenu un écho qui il y a quelques années était moquée par une large indifférence. En France, en apparence au moins, la mobilisation civique est très faible. Face à une majorité qui prétend vouloir la croissance quand elle impose une austérité qui rend impossible cette croissance, les mouvements civiques continuent de ne pas se rencontrer, se parler, s'organiser. Dans ces mouvements, les sympathisants d'Etienne Chouard sont nombreux. Il est, depuis le référendum de 2005, et parce qu'il n'a rien lâché de ses convictions, mieux connu, même si les médias dominants l'ignorent, à l'instar de toutes les forces susceptibles d'engager un rapport de force déterminant avec cette France qui, dans ses médias qui lui appartiennent, louent et exigent des "réformes de structure" quand elle entend refuser les véritables et seules réformes de structure que tant et tant souhaitent et proposent. Mais quand Beppe Grillo va sur la place publique, harangue, y compris pour dire des énormités (le flot italien de parole…), Etienne Chouard conférence, prend les problèmes principaux comme des problèmes intellectuels abstraits pour lesquels il a trouvé une solution principielle miraculeuse, le tirage au sort pour organiser une Constituante. En Italie, l'âme nationale vit encore. En France, les Lumières actuelles sont éteintes, soit parce qu'elles sont ignorées, soit parce que l'énergie qui les nourrit est trop faible. Dans les pays du Sud de l'Europe, la confrontation entre les peuples et les oligarchies nationales et européennes est engagée. En France, elle est énoncée, mais elle n'a pas de corps pour la porter.