Par le biais de ses grands électeurs, le peuple va choisir dimanche 170 sénateurs pour le représenter. Mais que représente aujourd'hui le Sénat sinon certaines des plus mauvaises habitudes de la classe politique française, arc-boutée sur ses privilèges au point de préférer les cacher plutôt que d'avoir à les justifier?
Pendant nos six mois d'enquête au Palais du Luxembourg, nous sommes allés de surprise en surprise. Commençons par la plus connue d'entre elles, qui explique en partie toutes les autres: le Sénat pourrait une nouvelle fois échapper dimanche à l'alternance alors que la «chambre haute» est censée «représenter les collectivités territoriales»; alors que le PS et ses alliés dirigent 21 régions métropolitaines sur 22, 61 départements sur 101, et une majorité des villes de plus de 3.500 habitants. La faute à un mode de scrutin indirect qui fait la part belle, parmi les 72.000 «grands électeurs», aux élus ruraux souvent sans étiquette, historiquement proches de la droite.
L'UMP espère donc garder la mainmise sur cette assemblée dont, pour l'heure, 25% des membres ont plus de 70 ans, 76,5% un sexe masculin, 69% un autre mandat local. Cette chambre compte deux ouvriers et dix employés.
Pour éviter que la gauche ne remporte les 22 sièges de plus qui lui manquent pour devenir majoritaire, la droite a tenté, tant bien que mal, de limiter le nombre de listes dissidentes. Mais elles restent nombreuses, notamment en Ile-de-France et dans le Nord. De quoi inquiéter en plus haut lieu: même les pronostics de Gérard Larcher (UMP), qui espère conserver le «Plateau» (la présidence), sont de moins en moins optimistes.
Mais les prévisions restent risquées pour cette campagne aux airs anachroniques, pour laquelle, à la différence des autres scrutins, il n'existe aucune obligation de déposer un compte de campagne, aucune limitation des dépenses, aucun plafonnement des dons. Une campagne où, dans certaines grandes villes de France, ce ne sont pas seulement des maires et des adjoints qui iront voter, mais parfois leur mère, leur secrétaire, leur cousin ou leurs copains d'enfance. Une campagne où tous les marchandages sont soupçonnés: comme à chaque fois, avant le premier tour, on a reproché au président d'acheter des voix de maires en leur distribuant de l'argent via la réserve parlementaire: cette cagnotte qui permet à chaque élu (mais à certains plus qu'à d'autres) de financer des travaux de voiries dans un village, de réparer le toit d'une école ou celui d'une église grâce à une enveloppe au montant inconnu. Le tout dans la plus grande opacité.
Les tractations en tous genres, qui se poursuivront dans la semaine séparant le vote des grands électeurs de l'élection du président par les sénateurs, rendent les calculs complexes. A quelques mois de la présidentielle, au vu de la valeur symbolique du scrutin, la droite envisage même de déployer
via www.mediapart.fr