Roger Trugnan a été l’un des initiateurs de la Résistance au sein des jeunes de la MOI. Il a survécu à la déportation.
«En 1940, j’avais 17 ans. J’étais chez les jeunes pionniers bien avant que la guerre n’éclate. Quand les Allemands ont occupé Paris, j’ai créé les premiers groupes de Jeunes communistes du 11e arrondissement. Mes parents étaient communistes, immigrés juifs d’Europe centrale. » Avec Roger Trugnan, disparaît l’un des derniers témoins des débuts de la Résistance communiste, juive, la Main-d’Œuvre immigrée (MOI). Il faisait partie de ces jeunes gens dont Léon Landini disait qu’ils « n’étaient encore que des gosses », mais qui vivaient dans la clandestinité, s’interdisant toute relation amicale ou avec leur famille. Roger sera arrêté en mars 1943, avec d’autres camarades, par la police française.
« Ce qui nous a permis de survivre »
Déporté au camp de Jawischowitz, une mine de charbon, annexe d’Auschwitz, il y retrouve ses amis Henri Krasucki et Samuel Radzinski. Ils sont les premiers Français à prendre contact avec la Résistance dans le camp. « Je me souviens qu’un jour, le kapo de la cuisine, Christian Kloos (mineur de la Ruhr, communiste, arrêté en 1934 – NDLR), vint me trouver et me demanda : “Où sont les deux autres petits rouges français ?” Il me fit comprendre – j’en étais tout juste aux premiers balbutiements en allemand – qu’il m’attendrait chaque jour pour me donner un supplément de soupe. J’étais chargé de répartir ce clair mais précieux breuvage entre les Français de notre poste de travail. Pas toujours simple : nous étions devenus des experts et détections à son aspect, sa démarche, ses yeux, celui, ceux qui risquaient de n’en avoir plus pour longtemps : nos “prioritaires”. Dans cet antre de misère indicible, cela s’est pourtant passé dans la dignité. Tous avaient faim, mais tous acceptaient, tel soir, de n’être pas destinataires de ce surplus. En vérité, tous se sentaient concernés par cet acte de solidarité qui ne recelait pas seulement un aspect matériel. Sa seule existence nous réchauffait le cœur et l’esprit. Ce soutien fraternel, chaleureux est, sans aucun doute, ce qui nous a permis de survivre. » Lors de l’évacuation du camp, le 18 janvier 1945, Roger participe à la marche de la mort jusqu’à Buchenwald. Le 11 avril, le camp est libéré par les troupes américaines. « Nous ne savions pas que le 1er mai 1945, nous manifesterions en parcourant le vieux faubourg Saint-Antoine. » À Paris, il découvre que ses parents et sa jeune sœur Germaine ont été décimés. Roger devient dessinateur-projeteur dans l’aéronautique, mais rapidement, le PCF lui demande de devenir permanent à Paris. Il se marie en 1947 avec Annette Kirman. Le couple a un enfant, Germain. En octobre 1961, il est un des artisans du tract anonyme du « groupe de policiers républicains » qui dénonce la terrible répression policière de la manifestation du FLN.
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