Abbas Fahdel : « Homeland, Irak année 0 montre bien l’échec des États-Unis: avoir réussi à faire regretter Saddam aux Irakiens » | L’Humanité

HD. Comment avez-vous vécu ce quotidien de guerre ?

A. F. Quand je suis revenu en Irak après la guerre, j’ai été soulagé. Ma famille était indemne. Après, j’ai découvert comme le spectateur – j’ai fait le film comme je l’ai vécu – que dans tel quartier, les Américains avaient détruit les maisons ou tué telle personne. Il y avait beaucoup de sentiments mélangés. Le soulagement de s’être débarrassé de Saddam, l’inquiétude de ce qui allait arriver. Je voyais aussi les prémisses de la violence. Les bandits commençaient à sévir. Sans État, police ni armée, c’était la porte ouverte aux voyous. Saddam avait préparé le chaos en libérant tous les prisonniers de droit commun juste avant la guerre. Ils ont commencé à piller les ministères, les palais de Saddam, puis leurs voisins. Ensuite, ils ont enlevé des filles. Si quelqu’un était soupçonné d’être riche, on enlevait son fils pour demander une rançon. Ensuite, ils se sont convertis à la religion de Daech. Elle leur a permis de continuer à faire tout ce qu’ils voulaient avec le paradis en prime, c’est-à-dire une justification morale. On passe donc de la violence criminelle à une violence sous prétextes politico-religieux. Mais les auteurs sont les mêmes.

HD. L’intervention américaine était-elle vouée à ce chaos ?

A. F. Elle aurait vraiment pu être mieux faite s’ils s’étaient comportés en libérateurs et pas en envahisseurs. En Europe, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils n’ont pas fait exploser des munitions en France ou en Italie. Ils n’ont pas détruit les infrastructures. Il n’y a pas eu Abou Ghraib. De manière compréhensible, les rancœurs se sont accumulées. Les Américains se fichaient de la manière dont vivait la population irakienne, des meurtres ou des enlèvements. Leur seul souci était de se protéger.

HD. Le film est-il sorti aux États-Unis ?

A. F. Je l’ai présenté au festival de New York. C’était très émouvant. Mais New York n’est pas les États-Unis. Le mois prochain, je suis invité par des universités américaines pour une tournée dans une quinzaine de villes. J’ai surtout fait le film pour les Irakiens et un public américain. Les Américains doivent voir ça. Leur gouvernement n’arrête pas de les entraîner dans des guerres et leur cache la vérité. Les premières victimes de guerre ne sont pas les dictatures mais le peuple.

via www.humanite.fr

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