En Turquie, une situation politique alarmante
Pendant que l’enquête judiciaire est au point mort en France, la situation se dégrade profondément en en Turquie et dans le Kurdistan turc. Le « processus d’Imrali » s’est arrêté peu de temps après l’assassinat des trois militantes kurdes à Paris. Depuis, l’AKP et Recep Tayyip Erdogan ont effectué un virage à 180° : il n’est plus question de reconnaissance des droits des Kurdes, et de modification de la structure de l’état turc vers davantage de fédéralisme. Pire, la Turquie est confrontée à l’une des pires situations politiques de son existence.
Tout d’abord, Erdogan et l’AKP ont entamé une modification des institutions politiques qui déstabilise profondément le pays. Après avoir été Premier ministre d’un régime parlementaire, Erdogan, désormais Président de la République, cherche à concentrer tous les pouvoirs exécutifs en transformant la Turquie en régime présidentiel. Celui que certains appellent « le Sultan Erdogan », espérait une série de victoires électorales écrasantes en 2015, pour faire aboutir son projet de réforme constitutionnelle. En plus de la résistance d’une partie de l’opposition et des médias, ce sont les victoires du nouveau parti HDP aux deux élections législatives de juin et novembre 2015 (respectivement 13% et 10%), qui ont empêché l’AKP d’obtenir la majorité absolue au Parlement (lire notre article : Turquie : cette nouvelle gauche qui s’oppose au projet nationaliste et néolibéral du président Erdogan). Le HDP (Parti Populaire Démocratique) regroupe la majeure partie des forces politiques Kurdes de Turquie ainsi qu’une partie de groupes de gauche.
L’armée turque combat les Kurdes plutôt que Daech
Depuis ces élections, la situation s’est dégradée. La liberté et les droits de la presse sont de plus en plus restreints, avec la fermeture de médias, l’arrestation et l’assassinat de journalistes ou de blogueurs. La Turquie est l’un des pays où l’emprisonne le plus les journalistes. Et la guerre civile a repris. Depuis juillet 2015, les forces armées et de sécurité turques ont mené plusieurs attaques dans les zones à majorité kurde dans le Sud-est, prétextant combattre des « forces terroristes » du PKK et du YDG-H (Mouvement patriotique et révolutionnaire de la jeunesse). Le gouvernement impose à plusieurs villes de cette zone un état de siège et un couvre-feu.
L’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) dénonce la mort de plus de 157 civils, entre le 24 juillet et le 9 décembre. Ce « nombre est susceptible d’augmenter fortement dans les prochains jours », est-il précisé. Cemile Renklincay, du Conseil démocratique des Kurdes de France, dénonce les assassinats de civils dans plusieurs villes proches de la frontière syrienne. Ces exactions sont confirmées par plusieurs organisations humanitaires. Plus de 10 000 soldats se sont déployés dans les villes de Cizre et Silopi, à la fois proche de l’Irak et de la Syrie. C’est davantage que les forces déployées contre les milices de l’Etat islamique, malgré l’attentat qui a causé la mort de dix touristes allemands à Istanbul le 12 janvier, revendiqué par les djihadistes ! Chacun ses priorités…
Dans la ville de Silopi, trois militantes pour la cause féministe et kurde ont étés assassinées le 4 janvier, dans les mêmes conditions qu’en France. A Istanbul, Ankara ou à Paris la semaine dernière, des milliers de femmes Kurdes ont défilé avec les photos des trois victimes, Seve Demir, Fatma Uyar et Pakize
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