Rindy Sam, oeuvre d’art

Fin juillet 2007, la Collection Lambert organise une exposition, "Blooming", consacrée à l’artiste Cy Twonbly. Sur l’un des murs de ce lieu d’exposition, un tableau immaculé, d’une blancheur virginale : une surface uniquement blanche. Rindy Sam, artiste, passe devant ce tableau, et, emportée par un désir affectueux, embrasse la toile, en laissant la trace de ses lèvres, dûment rouges ! Rindy Sam est arrêtée, mise en garde à vue, inculpée pour "dégradation d’oeuvre d’art". Les accusations et les moyens, comiques, sont convoquées : e directeur de la Collection Lambert et commissaire de l’exposition
d’Avignon, Eric Mézil, dénonce le "viol" de l’oeuvre d’art. "Elle
parle d’amour, mais c’est un viol, il faut qu’elle comprenne ce qu’est
la propriété intellectuelle d’un artiste". Quant à la toile prétendument endommagée, elle va être restaurée après les expertises, puisque plusieurs laboratoires de cosmétiques ont
à la collection Lambert les composants chimiques de leurs rouges à
lèvres afin de nettoyer le tableau; et un laboratoire de la Nasa s’est
aussi proposé pour le
restaurer !
            

Par son geste, Rindy Sam a offert une véritable valeur artistique à ce tableau qui n’en a aucune. Et l’oeuvre d’art, c’est elle… Mais, étant donné ce qu’est le droit, les intérêts de la grande bourgeoisie dans "le marché de l’art", il est malheureusement probable qu’elle sera condamnée pour que cette affaire lui coûte.

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Jean de la Nuit
Jean de la Nuit
17 années il y a

Nous sommes dans l’art contemporain. L’art contemporain comme son nom ne l’indique pas, ne se définit pas par une période historique. L’art contemporain a pour projet l’abandon des beaux arts, comme chose et comme idée. L’art contemporain c’est l’abandon de la définition de l’art comme maitrise d’un savoir faire. A partir de là on a l’apparition de l’artiste qui ne se définit plus comme possédant un métier. L’artiste ne se définit plus par la maîtrise d’un métier, d’un savoir faire. Dès lors se pose la question de savoir qui est artiste, et qu’est ce qu’une œuvre d’art puisque le critère du savoir-faire n’est plus valide ? Lorsque Bertrand Lavier fait monter par un socleur un parpaing sur socle est-ce une œuvre d’art ? Peut-on considérer qu’une épave d’Alpha Roméo vendue par Bertrand Lavier et achetée par le FRAC de Strasbourg soit une œuvre d’art ? Sur tout lorsque Lavier déclare que ces œuvres n’ont pas besoin de discours et qu’elles parlent d’elles-mêmes.
Dès lors pour bien comprendre, il faut savoir que deux courants théoriques s’affrontent sur cette question. Pur les uns, dans la lignée de Danto et Dickie , un objet est considéré comme œuvre d’art si l’institution, le monde marchand de l’art, les « professionnels de l’art » reconnaissent que cet objet est une œuvre d’art et cet individu est un artiste. C’est la théorie institutionnelle de l’art. Mézil et les gens qui gravitent autour d’Yvon Lambert défendent cette conception. Un objet est de l’art s’il est situé dans le contexte de l’art, si on l’interprète d’un point de vue sociologique. Pour Dickie l’artiste est impliqué dans l’institutionnalisation de l’art. Dans cette perspective l’art ne doit assumer aucune position philosophique. Danto, évoque quant à lui l’art contemporain en parlant des arts de la perturbation, (qui rime avec masturbation). Pour Danto les musées font œuvre de civilisation en exposant par exemple les objets de Bertrand Lavier. Il s’agit de confiner le désordre.
A cette première conception s’oppose l’idée que l’art est d’abord l’expression de la vie et qu’elle embrasse une activité philosophique. Dans cette perspective on trouve des textes tout à fait passionnant d’ Allan Kaprow. (Par exemple L’art et la vie confondue 1994). Allan Kaprow est l’inventeur du happening en 1955. Pour Kaprow Un happening est un évènement qui n’a lieu qu’une fois, et qui n’est pas reproductible. C’est tout à fait le cas du Baiser Rouge de Rindy. Par exemple les baiser à 5 frs d’Orlan, relèvent du guignol. Les artistes contemporains sont plein de doute. Ils se demandent quel art devrait exister. C’est précisément au nom de ce doute que Kaprow critique la théorie institutionnelle. Définir l’art par le contexte encadré nous rassure, sur le fait que ce qui est à l’intérieur est de l’art. C’est pour cela que Kossuth a pu dire que le happening est l’un des arts les plus responsables de notre temps, car il pose la question de la finalité de l’art. C’est en ce sens que le Baiser Rouge de Rindy est une œuvre grandiose car ce baiser pose par les nombreux débats suscités la question de la finalité de l’art de notre temps.
Ainsi pour kaprow, ce que l’art a perdu en beauté, en dimension sensible, il doit le gagner en pensée. C’est par là que l’art prend en charge le questionnement philosophique. Seulement Kaprow met en garde il faut échapper à ce qu’il appelle la réification, la transformation en chose de cette instant de vie, par exemple le Baiser Rouge de Rindy. Ca veut dire qu’il ne faut pas transformer la liberté de l’artiste en métier. Sinon on sombre dans le spectacle on n’est plus dans la vie. Il faut comprendre Le happening comme une expérience existentielle. L’art de bien vivre. C’est du même mouvement que l’art perd sa nature d’activité en devenant intelligence morale.
Dès lors il semble maintenant que cette deuxième conception tend à s’imposer. D’où un certain glissement. Dans cette affaire Yvon Lambert à tout à perdre à ne pas reconnaître la dimension artistique du geste de Rindy. Ce geste est unique. Ce geste n’est pas reproductible. Ce geste s’inscrit dans une conception défendue par Kaprow dont le centre Pompidou a rendu a un hommage soutenu en 1994.
Sur un plan financier la toile ne valait rien par elle-même. Aujourd’hui, compte tenu de la publicité faite autour d’elle, et les débats qu’elle suscita, la toile présente un intérêt artistique incontestable. A Yvon Lambert d’inaugurer maintenant un geste grandiose : annoncer qu’il ne restaura pas la toile, qu’une pauvre artiste au RMI a embrassée pour avoir cru au pouvoir de l’art. Certes cela ridiculisera Eric Mézil, mais l’histoire se souviendra du geste inouï du marchand d’art qui authentifia la valeur artistique d’une œuvre en lui conférant une prospérité hors du commun. Si du reste, Yvon Lambert décidait d’exposer la toile de Cy embrassé par Rindy, il est fort à parier que de l’exposition connaîtrait un succès remarquable.
Dans cette affaire certains ont joué leur rôle et d’autres pas.
Ont joué leur rôle:
1. La jeune artiste croyant au pouvoir de l’art et emportée par la flamme.
2. Le directeur de la collection Eric Mézil dont le travail est de protéger les oeuvres et d’animer un lieu. De ce point de vue il a très bien tenu son rôle.
3. Le marchand Yvon Lambert dont le travail est de gagner de l’argent, donc il réclame au procès deux millions d’euros, ce qui est en soi tout à fait concevable puisqu’il est marchand.
Mais d’autres n’ont pas joué leur rôle.
1. La restauratrice Barbara Blanc qui d’abord se présente comme une experte indépendante, ce qu’elle n’est pas puisqu’elle travaille exclusivement pour la maison Lambert, et qui estime la restauration de la toile à 33000 euros…, quand une estimation de restaurateurs spécialisés dans l’art contemporain issu de l’école d’Avignon table sur un montant de 1500 euros. Barbara Blanc a tenu un rôle qu’elle n’avait pas à tenir, du coup sa réputation en prend un coup.
2. Les artistes comme Bertand Lavier et Barcelo qui ont soutenu la position de la maison Lambert. Erreur impardonnable de leur part. Eux qui ont construit leur carrière sur la scène de la provocation ont montré leur véritable visage, des inquisiteurs, des personnages sans aucune fibre artistique, et le néant de leur production apparaitra bientôt comme une évidence aux yeux de tous.
Enfin dans cette affaire on a effectivement oublié une chose: que la toile était non peinte et non signée. Autrement dit on a oublié la singularité de l’objet en question. Or l’art n’est-il pas d’ouvrir sur la singularité de chaque chose?

grellety
grellety
17 années il y a

Je tiens à vous remercier pour ce long et précieux commentaire. Je n’ai pas le temps aujourd’hui de le commenter et d’y répondre partiellement, mais je le ferais d’ici quinze jours.

larmedepluie
larmedepluie
17 années il y a

Ci-dessous le lien vers une destination très très étrange. Les commentaires sont à lire du bas vers le haut, lisez attentivement vous serez très troublés… Nous sommes dans un univers à la Pirandello….
http://www.laprovence.com/articles/2007/10/27/145584-UNKNOWN-A-la-collection-Lambert-la-riposte-des-artistes-au-baiser-d-Avignon.php
Ce forum ne reçoit plus de contributions. Voici le nouveau forum où vous pouvez vous exprimer et entrer dans un jeu littéraire très novateur à ce qu’il me semble…
http://www.laprovence.com/articles/2007/11/05/150008-UNKNOWN-Sam-Rindy-a-recu-le-soutien-dePierrePinoncelli.php

grellety
17 années il y a

Veuillez donner l’adresse url dans l’espace prévu à cet effet pour le commentaire, parce que dans le corps du commentaire, l’ensemble de l’information n’est pas mémorisé et affiché. Merci.

sour thoughts
17 années il y a

http://acido

Quando si dice amore per l’arte. Un’intraprendente donnina ha baciato una tela bianca dell’artista ‘mericano Cy Twombly, lasciandoci il segno del rossetto e trasformando il Trionfo del Candore in un’icona kitsch. Un blogger francofono dice la sua, e no

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