L'appel
à la «refondation de l'école» a le mérite de supposer qu'il
faut, pour nous qui somme des tard-venus, reprendre les faits, les
problèmes, les perspectives, depuis leurs racines, si nous voulons,
non pas faire table rase pour tout recommencer dans l'oubli de
l'Histoire du «temps libre studieux» mais au contraire, pour
engager une étape nouvelle et «supérieure» de cette Histoire. Il
faut d'ailleurs remarquer que, à propos de cette Histoire, de
«l'école», de «l'éducation», la formation scolaire française
n'apprend pas aux jeunes citoyens et citoyennes son Histoire, limitée
à Charlemagne et Ferry, comme si cette Histoire était réductible à
la France et à des Français, alors que ce sont des Grecs anciens
qui ont crée les premières véritables écoles. Et dans notre
contexte, politique, économique, français et européen, il ne
serait pas inutile de donner dans cette Mémoire, au-delà du cours
d' «éducation civique», de ce que nous et l'Europe devons aux
Grecs anciens, notre dette, d'une ampleur si considérable : la
«démocratie», l'école, les premières sciences, le dialogue
civique et intellectuel, etc – même si une bonne Histoire ne peut
faire aucun ethno-centrisme, même ainsi helléno-centrisme. Ce
serait aussi l'occasion de rappeler qu'à de grandes dates, hélas
souvent «tragiques», l'éducation a été un enjeu pour des
Républicains français et européens, comme avec les Communards,
dont l'Histoire officielle actuelle dit peu. Une autre Histoire, plus
complexe, à la fois cognitive et économique, devrait tenter de
comprendre, mesurer, la part déterminante de l'enseignement dans les
évolutions et les progrès, techniques, économiques, depuis un
siècle et demi, c'est-à-dire de déterminer la création de la
valeur ajoutée cognitive dans la détermination individuelle et
collective. Et ainsi, loin d'être une somme de coûts pour la
nation, il faudrait donc être capable de savoir et de dire ce que
celle-ci doit à «l'école» dans ses richesses et dans son PIB.
C'est que le fait d'avoir une approche du temps passé, de ses
strates constitutives de l'ultime, notre présent, de multiples
perspectives sur un présent structurel et changeant, et de
bénéficier d'éclairages sur le futur présent qui vient, le fait
d'accéder à des connaissances réellement qualifiables
d'universelles dans la mesure où leur validité dépasse le temps
présent, a changé profondément notre épaisseur humaine. L'école,
disons-le clairement, fait reculer notre propre ignorance, pourtant
si vaste, de ce que nous sommes, de l'Univers, des formes de vie qui
nous entourent. Petit à petit, le «paysage» de l'Histoire de
l'Univers se constitue, parce que des savants passés dans les écoles
de la République créent de nouvelles connaissances, d'une valeur
absolue. Mais à côté des disciplines «théoriques», la formation
scolaire s'est diversifiée d'une manière inouïe, pour préparer
aux métiers techniques, y compris aux nouveaux qui sont apparus et
qui apparaissent, comme dans les dernières décennies les métiers
de l'informatique. L’Étendue de l'enseignement n'a jamais été
aussi vaste. Mais l'organisation scolaire est en France
«séparatiste» : les formations aux métiers, même sous le
contrôle de l’Éducation Nationale, peuvent en être
officiellement et pratiquement distincts, comme avec les CFA et les
CMA, qui sont dits «privés», parce que les employeurs y sont les
gestionnaires, et ce alors que les fonds publics y sont majeurs et
déterminants. En outre, dans ce fameux rapport entre
«l'intellectuel » et «le manuel », la dialectique
fonctionne encore assez mal, comme s'il n'était pas assez évident
que l'intellectuel dépend du manuel et inversement ; et que dès
lors, il serait profitable d'avoir un objectif général dans
l'apprentissage de la manipulation de la main, des mains,
transversal ; qui permettrait aussi aux jeunes plutôt
intellectuels d'avoir une approche réelle des métiers techniques
qui reposent sur des manipulations de la main, et aux jeunes plutôt
manuels d'avoir une approche réelle des métiers complexes. Le
respect entre tous y serait fortifié. Les enseignants des CFA et des
CMA, volontiers qualifiés de «formateurs » par des employeurs
qui voudraient les réduire à la transmission de «formations »
quand ils sont autant enseignants que leurs collègues et amis de
l’Éducation Nationale apprécieraient de n'être pas écartés de
celle-ci, ni statutairement ni socialement.
Que
les enseignants travaillent dans l’Éducation Nationale, zone
idéalement protégée jusqu'à une inversion dramatique ces 10
dernières années (avec des agressions contre cette Éducation
venant de certains décideurs comme de quelques parents,
d'intellectuels régressifs) ou en dehors mais toujours en référence
aux règles et aux contenus éducatifs validés, des problèmes
majeurs (ou présentés comme tels, crus comme tels) sont apparus et
paraissent ne pas avoir encore reçus de réponse, basés sur des
solutions testées. La transmission de la langue française fait
partie de ces problèmes. Les enseignants sont pris en étau par des
ayatollahs qui font de la langue française, LA langue, comme si
toutes les autres étaient inexistantes ou nécessairement
inférieures, inféodées à, et de l'autre, les hyper pragmatiques
qui ne voient en elle qu'un code parmi d'autres, qu'il faudrait
traiter comme tel. Si la langue conditionne la possibilité même de
pensée, la richesse d'une langue produite et maîtrisée ne garantit
nullement une pensée, individuelle, collective, exacte, pertinente,
«juste». A l'inverse, l'incompréhension, relative, ou pire,
radicale, de ce code, comme de tant d'autres, handicape toute
personne qui peut et doit pouvoir se penser comme penser le réel qui
l'entoure, comprendre ce qui lui arrive, être capable d'exprimer des
sentiments, des idées, et notamment des nouvelles.
Or
l'acquisition d'une langue et la capacité d'être ouvert à des
codes différents ne peuvent nullement se faire dans un «primaire»
qui, une fois dépassé, permettrait d'accéder à un palier
supérieur, les bases étant acquises ou réputées telles. Parce
qu'une langue est un code complexe, son acquisition est infinie. Même
pour les enseignants, sa maîtrise relève d'une ouverture, d'un
désir et d'un travail quotidien, ou presque. Or notre système
éducatif fonctionne sur un étrange principe : une fois les
bases de ce code étudiées, les règles, la conjugaison, celles-ci
ne sont plus revues régulièrement. Tant mieux pour celles et
ceux qui les ont acquis, tant pis pour les autres. Or, s'il ne s'agit
pas de passer son temps à faire du sur place sur ses bases, il faut
bien reconnaître que le fait de les ignorer définitivement favorise
les difficultés. En outre, le fait que l'enseignement du français
se fasse sur des thématiques et des problématiques d'activités
plutôt que sur ce rapport quotidien ou presque avec la langue (alors
que la langue française est riche de milliers de textes) favorise
également les difficultés de certains. Enfin, le fait, là encore,
de considérer la langue française comme un monde en soi, séparé
des autres codes (les langues des peuples, mais aussi les langues
artificielles) n'aide pas non plus à l'intérêt et au respect
envers un code identitaire. Il faudrait donc revoir l'ensemble du
processus d'acquisition et d'utilisation, si tant est que l'on fasse
de la maîtrise réelle de la langue une priorité. Le cours dit de
«français» pourrait ainsi devenir un cours de «Communication et
Compréhension des Codes du Monde», sur un principe d'égalité des
langues. Les enseignants de français et des autres langues
pourraient travailler de temps en temps ensemble, que ce soit pour
faire consoner les langues européennes, sœurs, ou pour interroger
les différences et les identités de structure avec des langues dont
l'écriture n'est pas alphabétique. Enfin, l'écoute des langues,
sur la base des études expérimentales reconnues, comme celles
d'Alfred Tomatis, permettrait de faire travailler les capacités
auditives des jeunes citoyens et citoyennes, facilitant ainsi la
maîtrise, même partielle, des autres langues.
C'est
l'ensemble des disciplines qui, (…)
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