Aujourd’hui, son « histoire de la Révolution française », 400 pages à paraître le 21 septembre, intrigue : une lubie d’intellectuel vieillissant ? Ou Hazan continue-t-il à pister, dans les replis de cette période essorée par l’historiographie, « l’étincelle » de la révolution à venir ?
Rue89 : Pourquoi s’intéresser à la Révolution française ?
Eric Hazan : C’est une période charnière, il y a un avant et un après. Si on ne la connaît pas, c’est comme une porte sans charnière ou une valise sans poignée… la même absurdité. Chez les jeunes que je côtoie, je me rends compte qu’ il y a ceux qui n’y connaissent rien du tout à cette période et ceux qui ont des idées erronées.
Les livres de Soboul, de Furet datent des années 60. Pendant ce demi-siècle, les idées ont changé. On n’écrit plus l’histoire de la même façon. Je me suis dit, finalement, essayons…
Quelle était l’urgence à sortir de l’actualité et du XXIe siècle pour une incursion historique ?
Je suis hanté par le personnage de Robespierre, à la fois très mystérieux, imposant, tragique et par moments décevant. Il a été calomnié, vilipendé presque partout. C’est important que ce personnage là soit mieux compris.
En quoi est-il calomnié ?
La guillotine, le sang, la dictature…
Robespierre, c’est aussi ça, non ?
La dictature, certainement pas. Le sang, la guillotine, oui, malgré lui. Il y a participé, il a envoyé à la guillotine les Cordeliers et les dantonistes. Mais dans le même temps, il s’est toujours opposé – avec succès – à ce qu’on mette en accusation 75 députés girondins. Il est emblématique de la Révolution.
En calomniant Robespierre, en disant que c’est un tyran sanglant, tu calomnies toute la Révolution. Tu la jettes avec lui.
Dans l’avant-propos, tu écris : « J’espère que [le livre] fera souffler un peu d’enthousiasme révolutionnaire sur notre époque où la tendance est plutôt au relativisme et à la dérision. » C’est le but ?
Oui. [Silence.] Aujourd’hui, les gens disent : « Ah, la Révolution… vous y croyez encore, vous ? » Tout le monde dit ça. Quand on répond « oui, bien sûr », ils marquent un petit moment d’étonnement, d’apitoiement. Ce livre montre à quel point cette notion reste d’actualité. C’est une histoire en route, elle n’est pas terminée.
Les émeutes de la Révolution ont-elles été minimisées au profit des idéaux portés devant les assemblées ?
J’ai essayé de montrer les deux grandes scènes : d’un côté celles des Assemblées, des grands discours et des gens illustres. De l’autre le mouvement populaire, un bruit de fond assourdissant, écrasant, parfois plus à distance…
L’organisation de la France de juin 1789 en dit long sur les systèmes qu’on croit voués à l’éternité. A la tête de chaque province se trouvent les intendants et sous-intendants, depuis Louis XIV. Quand le bruit de la prise de la Bastille s’est répandu dans le pays, ce système s’est volatilisé. Pacifiquement, il s’est écroulé du jour au lendemain. Les intendants ont posé la clef sur leur bureau et sont partis. Spontanément et partout, de nouvelles administrations élues se sont mises en place. Et cette révolution communale pacifique a été la base de toute la suite.
Laissons un peu la Révolution de côté. Tu as suivi l’élection présidentielle ?
Oui. Ma position, très critiquée autour de moi, c’était qu’il était important de changer le directeur de l’hôtel. L’ancien était vraiment très problématique, lui et son son entourage. J’ai pensé qu
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