Rachid   Taha : « Liberté, égalité, fraternité, c’est devenu un slogan publicitaire » | Humanite

L’artiste a accepté d’évoquer, pour l’Humanité, la Marche pour l’égalité. D’hier à aujourd’hui, il égrène son parcours avec, en toile de fond, la musique, les combats d’alors et de demain. Rachid Taha fera escale le 29 novembre à 20 heures, au Bikini, à Toulouse  à l’occasion du festival Origines contrôlées, dont notre journal est partenaire.

Avez-vous participé à la Marche 
pour l’égalité ?

Rachid Taha. Non, j’enregistrais, à l’époque. J’ai joué à la fin, j’ai participé au concert à Paris avec mon groupe Carte de séjour. C’était l’époque des rodéos à Vénissieux, à Vaulx-en-Velin… J’ai voulu organiser un festival place Bellecour, à Lyon. On nous a bien évidemment refusé l’autorisation. Le festival a donc eu lieu au parc Elsa-Triolet à Vaulx-en-Velin. À l’affiche, quatre groupes : Made in France, Corazon rebelde (un groupe de rock chilien), Carte de séjour et Single Track. C’est comme ça que tout a commencé. Avec Djida Tazdaït, j’ai participé à la création de l’association et du journal Zaâma d’banlieue. Un fanzine de quatre pages dans lequel je m’occupais un peu de la rubrique culturelle. C’est aussi à ce moment-là que j’ai monté une boîte de nuit. À l’époque, à Lyon, comme partout ailleurs, l’entrée des boîtes de nuit était fermée aux Noirs et aux Arabes. J’ai donc créé cette boîte, que j’ai appelée « Le Refoulé ». C’est ma manière de refuser le statut de victime, de choisir l’arme de l’humour. Il fallait trouver des réponses, des chemins de traverse. Finalement, le racisme nous poussait à aiguiser notre créativité. C’est d’ailleurs toujours le cas.

Comment est née l’idée de monter le groupe Carte de séjour, en 1981 ?

Rachid Taha. Je travaillais à l’usine, j’étais syndicaliste, ça m’emmerdait. J’avais une formation de comptable et je n’avais jamais réussi à trouver de boulot dans ce domaine. J’avais débarqué en France à l’âge de douze ans. Je suis né en Algérie, à l’époque où c’était l’Algérie française. En fait, je suis un peu un Algérien d’origine française ! Au début des années 1980, je m’occupais des syndicats. La France accueillait alors les boat people. Les patrons essayaient de nous diviser, les Vietnamiens d’un côté et nous de l’autre. Un jour de grève des bus, j’ai fait du stop. C’est là que j’ai rencontré le guitariste Mohammed Amini, qui m’a proposé de faire de la musique. Au début, on voulait appeler le groupe 404, comme la voiture, ou comme le groupe anglais UB 40. Valéry Giscard d’Estaing était alors président : on a donc cherché un nom à particule. On a trouvé Carte de séjour. On chantait dans une sorte de sabir mêlant arabe et français. C’était le premier groupe rock punk arabe. Tout le monde s’attendait à ce qu’on fasse une pochette de disque trash, on a fait tout le contraire, une pochette très contemporaine, très colorée, figurant un couple, la femme en robe courte, en train de danser. C’était un rayon de soleil.

Et la Marche ?

Rachid Taha. Cette marche des beurs, c’était pour du beurre. Toute la dynamique a été détruite par SOS Racisme. Je leur en veux vraiment. Ces trotskistes passés au PS de Mitterrand étaient des sortes de missionnaires de la gauche, très paternalistes. À l’époque, j’écoutais Talking Heads, les Ramones, les Sex Pistols. À leurs yeux, qu’un type comme moi écoute ce genre de musique était impensable. Nous étions un peu vus comme des indigènes. Le logo de Carte de séjour, c’était la main de Fatma. J’avais pour habitude de dire : « Méfiez-vous des imitations. » Ils ont réussi à récupérer et détourner ce mouvement parce qu’ils étaient puissants. Tous les médias étaient de leur côté. En 1985, ils ont eu la place de la Concorde pour faire leur concert. Moi j’avais eu le parc Elsa-Triolet… Et ces gens sont toujours dans le circuit. Harlem Désir, qui présidait SOS Racisme, est aujourd’hui à la tête du PS. Déjà, à l’époque, ces j

via www.humanite.fr

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