Il y a environ quatre ans, j’ai étalé sans honte ma naïveté dans les pages de ce journal en admettant avoir été séduit quand le président Barack Obama avait plaidé en faveur de l’espoir et du changement, pour reprendre son slogan «Hope and Change». Comme beaucoup d’autres autour de moi, je voyais, en cet ancien brillant professeur de droit et militant associatif, la possibilité d’un nouveau départ après les jours sombres de l’ère Bush. Et, à part les éternels insatisfaits professionnels, qui aurait osé mettre en doute la portée historique de cette élection en faveur de la cause antiraciale ? Mais, à la veille des élections de 2012, après quatre ans passés avec une famille noire à la Maison Blanche, ce lieu sacré où Ronald et Nancy Reagan ont dormi jadis – une idée qui ne cesse d’horrifier l’establishment républicain – les Etats-Unis ont l’allure d’un pays qui remonte le temps jusqu’aux années 60 et l’inégalité raciale et sociale d’alors.
En revenant sur ce qui m’a conduit à laisser mes émotions prendre le dessus en 2008, je revois encore la population noire de La Nouvelle-Orléans, trois ans plus tôt, abandonnée sur les toits tandis que montaient les eaux en crue après l’ouragan Katrina. Pour le spécialiste en sciences politiques Adolph Reed, l’insensibilité du gouvernement fédéral devant cette situation d’urgence, ajoutée à la tendance de beaucoup d’Américains à rejeter la responsabilité sur les victimes de l’inondation en leur reprochant leur paresse et leur immoralité, révélait quelque chose de fondamental sur la culture politique créée par des décennies de dérive conservatrice. «Un marqueur-clé de la victoire politique de la droite, écrivit Reed dans The Progressive, une publication de gauche, est que le discours sur la race sert aujourd’hui largement à renforcer auprès des Blancs l’idée que le secteur public est là uniquement pour favoriser l’amalgame "Noir, pauvre et loser."»
Sept ans après l’ouragan, il est difficile de soutenir que cela ait profondément changé. Même si les efforts du Tea Party et de républicains plus modérés ont été infatigables afin que les Blancs n’oublient pas comment leurs dollars chèrement acquis vont à des Noirs pauvres et des immigrants illégaux qui en sont «indignes», Obama doit prendre aussi sa part de reproches.
En effet, même les critiques les plus indulgents, qui attribuent à l’obstruction systématique des républicains l’incapacité du Président à faire des progrès significatifs dans le domaine de l’injustice raciale et sociale, éprouvent une grande frustration devant la réticence d’Obama à s’exprimer sur ces questions et, ce faisant, à reformuler le débat. D’après un spécialiste en sciences politiques, Obama s’est moins prononcé sur les questions raciales que tout autre président depuis John F. Kennedy et, quand il l’a fait, c’était souvent d’une façon qui visait à en nier l’importance. Nous pensions tous à une stratégie électorale d’Obama, quand, dans un discours de campagne à Selma, en Alabama, il fit allusion au mouvement des droits civiques en affirmant que «90% de la route» était parcourue et en attribuant la pauvreté des Noirs à une litanie de stéréotypes éculés liés à la culture du ghetto noir : les parents noirs qui disent à leurs enfants que «lire et écrire et conjuguer les verbes était une affaire de Blancs», ou «trop de pères [qui] ne se comportent pas comme des pères». Une fois élu, tandis que le Président exprimait à plusieurs reprises sa foi dans la société américaine indifférente à la couleur – malgré l’évidence d’un écart grandissant entre Blancs et Noirs dans l’éducation, l’accès au marché du travail et la richesse, nous avons pleinement pris conscience que sa présidence serait marquée par un véritable statu quo.
En observant les débats qui ont dominé cette
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