Il ne fait guère de doute que Philippe Brunet a levé le nez plus souvent qu’à son tour en traduisant L’Iliade (554 pages, 24 euros, Seuil). Rien de moins, et pourquoi pas puisque, Svletana Geier en convient, toute grande traduction étant mortelle, chaque époque suscitant une traduction qui la reflète, les grands classiques ne doivent pas intimider ; ils exigent d’être régulièrement repris. M. Brunet a donc posé comme postulat qu’il convenait de débarrasser le chef d’œuvre d’Homère de sa préciosité, le désampouler afin de nous le rendre plus proche. Il ne l’a pas traduit en argot de bistro ni en parler rap, mais en a simplifié la poésie en sortant la syntaxe de sa gangue. Cela résonne non comme une provocation mais comme une invitation à cesser d’idéaliser les six mesures à deux temps de l’hexamètre grec. Ainsi mieux mis à notre portée, le poème nous parle davantage sans rien sacrifier de son mystère. Lisez et oyez les dernières pages du chant 22 sur la mort d’Hector :
« Ainsi sa tête s’était couverte de poudre : et sa mère/ s’arrachait les cheveux, rejetait son voile splendide,/ loin, et, voyant son enfant, gémissait de toute ses forces./ Pitoyables étaient les sanglots de son père, et les hommes/ étaient pris de sanglots et de cris à travers la ville./ C’était comme si la haute cité tout entière,/ la sourcilleuse Ilios, s’embrasait de la base à la cime. / On avait peine à retenir le vieillard en colère/ qui brûlait de sortir par la porte Dardanienne./ Il les suppliait tous en se roulant dans la merde,/ et, les nommant par leur nom, se tournait vers les uns et les autres… »
Cela peut sembler paradoxal mais en s’éloignant du mot à mot, avec tout ce qu’il supposait d’ampoulé et de rigide, le traducteur s’est rapproché de l’esprit de l’auteur, aède chantant le poème de la voix. Ce travail lui a pris ving-cinq ans. Il l’a effectu
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