Montebourg: plaidoyer pour une alternative économique | Mediapart

En quelque sorte, Arnaud Montebourg n'a pas suivi le même parcours que certains socialistes qui, consternés par la dérive libérale impulsée par Pierre Bérégovoy, ont cherché à résister. Mais à sa façon, par d'autres voies, il a exercé, lui aussi, son « droit d'inventaire » à la même époque. Ce qui lui a permis d'être aussi plus lucide que d'autres – et plus rapidement – sur les renoncements des années Jospin, en 1997-2002 .

Il faut relire son livre La Machine à trahir (Folio documents), écrit dès 2002, pour s'en rendre compte. Alors que beaucoup d'autres socialistes se refusaient à regarder en face les causes du séisme qui avait conduit à l'éviction du candidat socialiste lors du second tour de l'élection présidentielle, face à l'extrême droite, il pointe, lui, les renoncements des années antérieures: « C'est aussi durant ces années sombres que la même gauche se mit à fréquenter l'argent et à apprendre par cœur les recettes économiques du Wall Street Journal. Elle devint pionnière, voire avant-gardiste, dans la déréglementation financière (…) Oser dire que la mondialisation financière était un fait contre lequel il était impossible de lutter revient à théoriser l'abandon par une génération politique tout entière de ce combat contre la cruauté des marchés. Marchés impitoyables qui ont jeté dans le malheur tant d'ouvriers, d'employés, de paysans, lesquels n'eurent en France que les urnes pour résister, comme ces paysans mexicains du temps d'Emiliano Zapata qui n'avaient pour survivre que le fusil et la prière. »

Mais ce serait méconnaître Arnaud Montebourg que de l'inscrire dans cette filiation jospinienne des années 1992-1997, qu'il ne revendique d'ailleurs pas. Car le dirigeant socialiste a visiblement d'autres sources d'inspiration. Et c'est naturellement, quand on cherche à comprendre sa cohérence ou ses ambiguïtés, cette autre question sur laquelle rapidement on bute: n'y a-t-il pas aussi en lui un souffle chevènementiste? Est-il européen ou bien nationaliste? Est-il authentiquement socialiste ou pourrait-il aussi faire un bout de chemin avec les nationaux-républicains, de droite mais tout autant de gauche?

La question est, en fait, moins innocente qu'il n'y paraît. Car quand on interroge Arnaud Montebourg sur son cheminement, il est le premier à rappeler que, lors de son adhésion au Parti socialiste, en 1981, c'est au Ceres, le courant impulsé par Jean-Pierre Chevènement, qu'il s'est d'abord impliqué. De Didier Motchane, l'ancien militant du groupuscule gaulliste Patrie et Progrès devenu théoricien du Ceres, qui assure le premier séminaire de formation auquel il assiste, il dit: « J'ai été ébloui. »

Et cette adhésion de jeunesse à cette mouvance, sans doute a-t-elle laissé des traces. Ou une fidélité, une forme de volontarisme. Mais pour ce qui concerne l'inspiration économique, cela s'arrête-là. Et en tout cas, même si le concept de « démondialisation », qu'Arnaud Montebourg a habilement préempté, est en vérité élastique et peut se charger de contenus variés, le dirigeant socialiste n'a jamais défendu sur l'Europe, ou sur l'euro, le point de vue de Jean-Pierre Chevènement. Ce dernier a toujours été opposé à l'euro, tandis qu'Arnaud Montebourg y a toujours été favorable. Même aujourd'hui, alors que l'Europe est en phase d'implosion, alors qu'elle offre la plus détestable des images, celle d'un continent ravagé par les dérégulations et par les marchés, il le dit encore: « Moi, je défends l'euro, même si l'euro ne se défend pas lui-même. » Avant de dire qu'il va falloir engager une nouvelle phase, celle de la reconstruction, avec d'autres règles.

via www.mediapart.fr

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