Modène, un modèle de société – Libération

Adossé aux gigantesques étagères sur lesquelles reposent les meules de Parmesan durant leur maturation, Ivano Chezzi, le responsable d’Albalat, coopérative agricole réunissant 80 associés et 10 fois plus de vaches, a repris confiance : «Avec le tremblement de terre de l’an passé, nous avions perdu la moitié de notre production en valeur, soit environ 20 millions d’euros.» En mai 2012, deux secousses de magnitude 6 sur l’échelle de Richter ont mis à terre une bonne partie de l’économie locale, entre Modène et Ferrare. Une zone qui assure près de 2% du PIB italien. «On s’est retroussé les manches et on va de l’avant», résume l’ancien garçon d’étable, devenu technicien puis, à 56 ans, le président de cette structure qui adhère au prestigieux consortium du Parmigiano Reggiano – lequel regroupe 384 fromageries pour près de 30 000 employés. «Sans attendre les aides de l’Etat, le consortium a débloqué 8,7 millions d’euros pour aider les éleveurs les plus touchés», pointe Chezzi. Dans cette région, la solidarité et la collaboration restent des valeurs revendiquées. «Ici, c’est une tradition de mettre les choses en commun pour régler les problèmes», insiste le maire (centre gauche) de Modène, Giorgio Pighi. Aujourd’hui encore, l’Emilie-Romagne est la terre des coopératives auxquelles se sont adossées, après-guerre, des milliers de petites entreprises familiales pour transformer cette région déshéritée en l’une des plus prospères d’Italie et un laboratoire social et politique. Car, dans ce centre de la péninsule autant réputé pour son fromage et sa charcuterie riche que pour ses Ferrari, on vote rigoureusement à gauche depuis 1945. Communiste même, jusqu’à la chute du mur de Berlin.

Un leitmotiv régional : le pragmatisme

A Carpi, dynamique district du textile situé à quelques kilomètres de Modène, les rues Karl-Marx ou Lénine témoignent de l’attachement passé à la patrie des Soviets. «A Modène, la démocratie-chrétienne n’a jamais gouverné, rappelle fièrement le maire. Après la guerre, fort notamment de son action dans la Résistance, le Parti communiste italien [PCI] faisait à lui seul plus de 40% des voix. Dans les années 70, il a même dépassé les 50%. Mais, pour obtenir un tel consensus, il a fallu développer un modèle fondé à la fois sur le développement économique et sur la redistribution sociale.» Ainsi, 65% du budget communal est consacré au welfare et à la culture. Exclu du pouvoir national pendant des décennies, en raison de la guerre froide, le PCI s’est employé à montrer qu’au niveau local, en particulier en Emilie-Romagne et en Toscane, il savait gouverner et imposer un système social efficace, sans brider l’initiative privée. Avec, en toile de fond, un leitmotiv : le pragmatisme.

Un mot d’ordre repris aujourd’hui par Pier Luigi Bersani, le candidat de la gauche et favori aux élections de dimanche. Né en 1951 à Bettola, dans une famille de gérants de station-service, l’ancien dirigeant communiste est l’incarnation de ce modèle d’Emilie-Romagne, dont il fut le président du conseil régional au milieu des années 90. Les plus anciens se souviennent que le secrétaire général du PCI Palmiro Togliatti écrivait : «Sur ces terres, il faut favoriser la croissance individuelle et la croissance collective.»

«Un système social qui fonctionne»

Cela passera au départ par le système des coopératives.

via www.liberation.fr

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