L’accord sur l’emploi est sans «bases logiques» et «biaisé», Bernard Gazier | Mediapart

Dans la zone industrielle d’Amiens-Nord, il y a deux usines. Deux usines qui appartiennent au même groupe, le géant américain du pneumatique, Goodyear-Dunlop. Une rue les sépare. D’un côté, Goodyear Amiens-Nord. De l’autre, Dunlop Amiens-Sud.

La première, 1 300 salariés et une CGT ultra-combative, défraie régulièrement la chronique depuis qu’elle a refusé, en 2007, le chantage à l’emploi proposé par la direction : plus de flexibilité ou bien le chômage. À ses risques et périls : elle est aujourd’hui menacée de fermeture, seule option possible selon la direction après l'échec en septembre dernier du projet de reprise par le groupe Titan et, surtout, après cinq ans d'une bataille juridique épique où tous les plans sociaux ont été suspendus ou interdits par la justice.  

La seconde, 1 000 salariés, a consenti un deal en 2009 pour éviter un plan social, accepté de se sacrifier en passant aux 4×8, un rythme invivable, contrepartie d’une garantie de l’emploi pendant cinq ans. À l’époque, les syndicats signataires (CFTC, FO et Unsa) ont été taxés de « traîtres » par les camarades d’en face. Quatre ans plus tard, l’inquiétude ronge les Dunlop autant que les Goodyear.

Si les seconds sont en train de perdre leur emploi, les premiers craignent de subir le même sort et d’être les prochains sur la liste. Épuisés moralement et physiquement par un système de 4×8 qui foudroie les vies familiales, ils constatent que les investissements sur le site sont insuffisants, que la production de pneus est en chute libre et que l’accord prend fin en 2014. « On va finir comme les Continental qui ont fait des sacrifices pour rien. Leur usine a fermé les promesses de maintien de l’activité », dit Paolo, ouvrier chez Dunlop, au micro des Pieds sur Terre (écouter ici).

Bernard GazierBernard Gazier

Le récent accord dit de sécurisation de l’emploi contient en germe la systématisation des tractations contestables menées chez Dunlop.

Décryptage avec Bernard Gazier, économiste, professeur émérite à l'Université Paris I, et auteur notamment de L'Introuvable Sécurité de l'emploi, et Vers un nouveau modèle social, tous deux parus chez Flammarion.

Quelle lecture faites-vous de ce qui se passe dans la zone industrielle d’Amiens-Nord, avec une usine de pneumatiques Goodyear, proche de la fermeture, dans laquelle les syndicats n’ont pas accepté de négocier d’accords compétitivité / emploi et, en face, une usine Dunlop, où, en dépit de toutes les concessions faites par les salariés (travail éreintant en 4 fois 8, modération salariale…), les difficultés s’accumulent ?



La grande question est celle de la base industrielle. Les accords dits de compétitivité, ou de maintien dans l’emploi, ne peuvent pas inverser une logique industrielle de long terme. Il y a moitié moins d’emplois industriels en France qu’en Allemagne par exemple : 3,3 millions contre plus de 8 millions. Lorsqu’on négocie et qu’on fait des concessions pour conserver les emplois, tout dépend de la volonté d’investissement du patronat.

Si Renault demande à ses ouvriers français, roumains ou chinois de faire la même chose, les Français ne seront pas concurrentiels. Mais si une entreprise investit sur un site français pour développer des niches industrielles de haute qualité, avec une main-d’œuvre bien formée, cela peut être profitable aussi bien à l’entreprise qu’à ses salariés.

La car

via www.mediapart.fr

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