Le texte ci-dessous reprend en le développant le premier texte proposé ici
Première partie :
Si, résister, c'était, s'opposer et courir le risque de la mort, Guy Môcquet, communiste proclamé, savait que la République devenue Etat pétainiste condamnait la propagande communiste par la mort, à l'instar des amis nazis de ces collaborateurs français. Donc Guy Môcquet a résisté. Parce qu'il y eut de multiples formes de cette résistance mais qui s'unifient dans cette définition : s'opposer et prendre le risque de la mort donnée par l'ennemi.
"Thèse sidérante tant elle va contre la mythologie qui fait de ce jeune garçon de seize ans fusillé par les nazis l’emblème de la résistance communiste à l’occupant allemand. Guy Môquet est le fils d’un cheminot qui doit son ascension sociale au Parti Communiste auquel il voue un culte."
Le Parti Communiste, c'était et c'est encore un parti de et pour les citoyens-travailleurs. La fraternité entre ces citoyens-travailleurs est forte. Le "libertaire" prétendument de gauche, M. Onfray, si individualiste, ne sait pas ce que cette fraternité signifie.
"Quand les communistes russes et les nazis signent le pacte germano-soviétique, le PCF obéit à la décision de Staline. Dès lors, le Parti se réjouit de la défaite de juin 40 : selon eux, elle signe l’échec de la démocratie parlementaire, du capitalisme juif, de la bourgeoisie d’affaire."
Onfray confond deux périodes : fin août 39, et mai-juin 40. Lorsque les communistes français apprennent que l'URSS a signé le pacte, la plupart sont étonnés, interloqués. Comment l'URSS a t-elle pu signer un pacte avec l'ennemi juré fasciste ? Tout est dit pourtant dans le titre de ce pacte : pacte de non-agression. Pourquoi signer un pacte de non-agression sinon parce que celle-ci est possible ? Les dirigeants de l'URSS n'étaient ni des idiots ni des salauds : ni des idiots, parce qu'ils savaient que pour les Nazis l'attaque militaire contre l'URSS était inévitable parce que nécessaire (les espions en Allemagne et dans le reste du monde transmirent de nombreuses preuves aux dirigeants de l'URSS), ni des salauds, parce qu'ils savaient ce que subissaient leurs frères communistes en Allemagne et ce que leurs frères communistes des autres pays d'Europe allaient subir avec l'invasion allemande. Rappelons à celles et ceux qui ne le savent toujours pas : les premiers camps de concentration en Allemagne ont été ouverts dès 1933, pour y emprisonner dans des conditions déjà très dures communistes, socialistes, anarchistes. Signer un pacte avec une telle autre partie revenait à gagner du temps, et c'est précisément ce que les Soviétiques ont expliqué aux partis communistes d'Europe.
"De plus, elle prépare la France à la révolution bolchevique ardemment souhaitée."
Dans la France d'avant 39, le Parti Communiste français était libre d'agir, de s'exprimer. Avec 39-40, puis le début de l'occupation, du régime pétainiste, c'en est fini de cette liberté. Il va de soi que dans un tel contexte, d'occupation militaire, et face à des forces militaires et policières très importantes, il est tellement facile de préparer la "révolution bolchévique ardemment souhaitée" ! C'est le genre d'affirmations qui, dans ce texte, ridiculise son auteur. Les communistes constatent que celles et ceux à qui ils s'opposaient, les dirigeants du capitalisme français, ont organisé la défaite. Ils invitent les communistes, les travailleurs, après la défaite, à mener une vie normale (travailler, ne pas accomplir des actes de "résistance" trop facilement repérables, et c'est malheureusement pour lui et ses amis, mais ils étaient si jeunes, ce que Guy Môcquet a fait) afin de préparer la lutte contre l'occupant-ennemi.
"L’Allemagne peut donc envahir la Pologne, puis la France, l’URSS ne bouge pas, les communistes français approuvent."
Cette phrase allie bêtise absolue et ignominie totale. L'URSS a essayé de convaincre les dirigeants polonais de lui permettre de traverser la Pologne pour aller défendre la Tchecoslovaquie, lorsque celle-ci a été menacée, puis envahie, abandonnée par les dirigeants français malgré leurs engagements. Les Polonais ont refusé. Pendant toutes les années 30, la plupart des dirigeants polonais dont un certain nombre, antijuifs, font tout ce qu'ils peuvent pour faire amis-amis avec les Nazis allemands. Pour eux aussi, plutôt Hitler que Staline. Si l'URSS ne bouge pas lorsque la France est envahie, c'est, certes parce que le pacte ne le lui permet pas, mais c'est surtout parce que, outre le fait qu'elle n'a aucun accord en ce sens, puisque les dirigeants français ont refusé de signer un pacte de protection mutuel avec l'URSS dans ces années 30 alors que les Soviétiques le souhaitaient, ils n'en ont pas non plus les capacités militaires à ce moment-là. Et les Etats-Unis ont-ils bougé le petit doigt en juin 40 ? est-ce qu'ils ont mobilisé ? Entre la France et l'URSS, il y a l'Allemagne ! Est-ce que M. Onfray connait sa carte de l'Europe ? Comment dans une telle situation les Soviétiques auraient pu et voulu se porter au secours d'un pays dont les dirigeants ont fait le choix de mépriser leur proposition de protection mutuelle ? Quant au fait que lorsque la France est envahie, les communistes "approuvent", c'est laisser entendre que les communistes français ne se sentaient pas français et pouvaient imaginer qu'une occupation nazie promettait d'être une promenade de santé ! C'est vraiment les accuser d'avoir été des salauds et des idiots. Pour les communistes, les nazis sont des ennemis, mortels. Les voir arriver en France est donc un choc, un drame, un danger.
"L’Angleterre décrète un blocus économique contre l’Allemagne nazie, mais l’Union Soviétique laisse transiter sur son territoire les produits qui ravitaillent les nationaux-socialistes. Le PCF ne dit rien."
Le pacte prévoyait en effet des preuves de bonnes intentions. Pour l'URSS, il était impossible de s'y soustraire. Respecter ces engagements permettait de ne donner aucun argument aux nazis pour envahir l'URSS, alors que cette invasion devait à un moment intervenir. Reprocher aux Soviétiques d'avoir signer ce pacte, c'est leur reprocher d'avoir décidé qu'ils devaient gagner du temps et qu'ils devaient protéger leurs populations, le temps que cela serait possible. Je rappelle que, en France, pendant toutes les années 30, des extrémistes de droite avec quelques naïfs de gauche ont défendu le couple pacifisme-non militarisation, au motif qu'il fallait avec les Allemands "sauver la paix", durablement, définitivement. Et quand les Soviétiques font ce choix qu'ils savaient provisoire, ceux qui auraient pu mettre en place les conditions d'une paix armée anti-allemande ont osé le leur reprocher ! Quant aux livraisons soviétiques à l'Allemagne, comment auraient-elles pu être techniquement considérable, étant donné les moyens à la disposition de l'URSS, les bateaux et les voies ferrées ? M. Onfray semble ignorer que ces moyens ne permettent pas de fournir des moyens considérables.
"Le 29 septembre 1939, nazis et communistes demandent la fin de la guerre afin que Staline garde les territoires conquis et Hitler les siens. Les députés communistes envoient une lettre en ce sens à Edouard Herriot, le Président de la Chambre. En cas de refus, la France et l’Angleterre porteront la responsabilité de la guerre qui deviendrait impérialiste ! La France refuse. Le PCF invite alors ses militants au sabotage. Ils ne s’en privent pas et causent la mort de soldats français envoyés au combat avec du matériel qui les lâche en plein milieu de la bataille."
"La paix" aura été pendant toutes les années 30 l'argument principal dans l'escroquerie nazie sur les évolutions géopolitiques en Europe. Même après l'invasion de la Pologne, les nazis continuent de parler de paix. Selon des témoins, Hitler aurait été étonné par la déclaration de guerre de la France et de l'Angleterre. Mais peut-on se fier à ce genre de déclarations ? Il connaissait
l'état des alliances, leur caractère automatique, et comme en 1914, une invasion de Dantzig entraînait fatalement la guerre. Si les communistes appellent à la paix, est-ce pour geler les conséquences du pacte ? Ils n'ont pas besoin de "demander la fin de la guerre afin que Staline garde les territoires conquis et Hitler les siens". Aucune force en Europe n'était capable de faire reculer les uns et les autres. Et si l'URSS devait envahir la Pologne, c'est pour aller imposer aux Nazis une limite la plus éloignée de leur territoire. Preuve que la Pologne n'intéressait pas les Soviétiques en tant que territoire, après la guerre, la Pologne redevient un Etat dirigé par des Polonais. Si les Nazis allemands et leurs alliés avaient gagné cette guerre, il n'y aurait plus eu ni de Pologne ni de France. Donc, si en septembre 1939, les communistes souhaitent la paix, c'est aussi pour éviter à la France une possible défaite – et nous savons ce qui s'est passé. Parce que les communistes souhaitaient toujours une alliance franco-soviétique qui aurait bloqué Hitler avec la perspective de deux fronts militaires en même temps. M. Onfray semble ignorer que dès septembre 1939 la République s'engage dans l'élimination des communistes : http://lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2147&id=43 (le texte est reproduit ci-dessous). Sont-ces ces communistes qui depuis des années ont été compréhensifs à l'égard d'Hitler ? Ont-ils soutenu que la France ne devait pas se préparer militairement ? Non ! Mais lorsque les circonstances mettent la France et les Français en danger, les communistes sont déclarés hors-la-loi ! Ce ne sont pas eux qui dirigent la France en 1939 et en 1940 ! S'ils avaient dirigé la France, l'étau France-URSS aurait tétanisé l'Allemagne nazie. Quant au sabotage de la production industrielle française, les historiens ont démontré que si ce débat eut lieu au sein des communistes à l'appel des Soviétiques qui ne voulaient pas se battre dans les pays baltes contre des soldats français et des armes françaises, parce que les Soviétiques craignaient la constitution d'une grande alliance des pays d'Europe de l'Ouest contre eux (imaginez ce qu'aurait représenté une "grande armée" sous direction allemande avec des soldats français et anglais), les communistes n'ont pas dans leur immense majorité suivi cette ligne. Mais le pire, c'est que des preuves récentes ont été établies que les Cagoulards qui avaient réussi à rentrer dans les Ministères et dans le gouvernement de 39-40 ont EUX fait tout ce qu'ils pouvaient pour désorganiser ou limiter la production industrielle, militaire, de la France. PAS UN MOT DE M. ONFRAY SUR CETTE EXTREME-DROITE PRE-COLLABORATRICE dont il semble n'avoir aucune connaissance !
" Le père de Guy Môquet soutient cette ligne, il est arrêté et emprisonné."
Le père est COMMUNISTE. C'est pour cela qu'il est arrêté et pas parce qu'il "soutient cette ligne". Il aurait pu soutenir toutes les lignes qu'il voulait, il aurait été arrêté !
"Le fils clame haut et fort qu’il reprend le flambeau et continue le combat du père qui, on le voit, n’est pas un combat de résistance, mais de collaboration avec les nazis liés aux staliniens par le pacte. "
Dans l'autre texte, j'ai rappelé que faire de la propagande communiste était puni de mort par un décret du printemps 1940.
On ne peut pas collaborer avec des hommes qui vous traquent et veulent vous assassiner. Il faudrait rappeler à M. Onfray à ces évidences qu'il piétine.
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Un texte qui rappelle des faits importants de cette époque
Il y a soixante-dix ans : Le 26 septembre 1939, en France, le Parti Communiste était dissous
Le 26 septembre 1939, le président du Conseil, le radical Daladier (on dirait aujourd'hui le Premier ministre), signait un décret-loi prononçant la dissolution du Parti Communiste. Depuis le 25 août, la presse de celui-ci était empêchée de paraître ; ses journaux l'Humanité et Ce Soir avaient été saisis, puis suspendus, et les militants qui collaient des affiches ou distribuaient des tracts étaient systématiquement pourchassés ou arrêtés.
Alors qu'il avait été en 1935 l'inventeur de la formule du « Front populaire » qui avait sauvé la mise d'un Parti Radical en plein recul électoral à la veille des élections de 1936, le Parti Communiste se retrouvait trois ans après isolé, attaqué par tous les partis – et ses anciens alliés socialistes n'étaient pas les derniers à s'en démarquer. La bourgeoisie, à qui le secrétaire général du Parti Communiste, Thorez, avait rendu de signalés services pendant la vague de grèves de 1936, en proclamant « il faut savoir terminer une grève », ne se montrait pas plus reconnaissante.
DU PACTE LAVAL-STALINE…
Après la prise du pouvoir par Hitler en 1933, Staline, conscient du danger que représentait pour l'URSS le choix que venait de faire la bourgeoisie allemande, avait cherché des soutiens auprès des « démocraties » occidentales. Cela aboutit au pacte franco soviétique Laval-Staline, avec pour conséquences le renoncement du PCF à toute agitation antimilitariste et le ralliement à la défense nationale. Jusqu'en 1938, le PC défendit une politique visant à intégrer l'URSS dans un « front international contre Hitler » et proclamait : « Il faut une collaboration honnête, loyale, loyale avec l'URSS, si l'on veut défendre la France. » Cela conduisit le PC à approuver les budgets militaires.
Avec la montée ouvrière qui avait suivi février 1934, le PC avait vu ses effectifs se gonfler. Il revendiquait 300 000 membres. Il avait, en 1938, 72 députés et deux sénateurs, était à la tête de plus de 3 000 municipalités ainsi que de nombreux syndicats et fédérations, au sein de la CGT, même si la majorité y appartenait encore au Parti Socialiste.
Mais les accords de Munich, en septembre 1938, montrèrent que la bourgeoisie française, malgré son alliance formelle avec l'URSS, entendait tout faire pour laisser les mains libres à l'est à l'Allemagne hitlérienne. Dès lors, le PCF, lié à l'URSS, lié aussi à la fraction la plus combative de la classe ouvrière, devenait un ennemi à éliminer.
Le 13 novembre 1938, une série de décrets détruisit ce qui restait des acquis des grèves de 1936. Au nom de la « défense nationale », la semaine de 40 heures était annulée par le rétablissement de la semaine de six jours et l'obligation d'effectuer des heures supplémentaires non majorées. La grève du 30 novembre, baroud d'honneur organisé par la CGT, se solda par une catastrophe pour la classe ouvrière : 800 000 travailleurs furent mis à pied, 10 000 licenciés et inscrits sur une « liste rouge » qui leur interdisait de retrouver un emploi. Bien évidemment, beaucoup de militants ouvriers du PC figuraient dans le lot, et la presse lança dès décembre une campagne pour demander l'interdiction du PC.
Devant le renforcement du danger de guerre, la bourgeoisie voulait mettre au pas la classe ouvrière, rendre toute résistance de celle-ci impossible.
Même si elle fut décrétée à la suite de la mise en œuvre du pacte germano-soviétique, l'interdiction du Parti Communiste fut aussi le dernier acte de la contre-offensive que la bourgeoisie avait menée contre la classe ouvrière pour reprendre tout ce qu'elle avait dû céder sous la frayeur en Juin 36.
… AU PACTE GERMANO-SOVIETIQUE
C'est cependant la politique internationale défendue par le Parti Communiste, qui servit de
prétexte à la bourgeoisie française pour l'interdire.
Après la signature, le 23 août 1939, du pacte de non-agression entre l'Allemagne et l'URSS, les dirigeants du PC continuèrent un certain temps à clamer leur adhésion à la « défense de la patrie ». Le jour même où l'Humanité cessait de paraître, Thorez envoyait un communiqué dans lequel il déclarait que, « si Hitler, malgré tout, déclenche la guerre, qu'il sache bien qu'il trouvera devant lui le peuple de France uni, les communistes au premier rang, pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l'indépendance des peuples ».
Il fallut en effet du temps aux dirigeants français pour prendre le virage, eux qui, depuis des années, avait substitué « l'antifascisme » à la lutte pour la révolution sociale. Le PC connut même nombre de désertions dans ses rangs, y compris parmi ses dirigeants, il vit s'éloigner nombre d'intellectuels, « amis de l'URSS », qui jusque-là n'avaient jamais critiqué la politique menée par Staline. Tous les partis le rejetèrent pour se rallier à l'Union sacrée avec la droite, à commencer par ses anciens alliés de la SFIO, qui ne furent pas les derniers à demander sa dissolution. Il en alla de même avec les dirigeants socialistes de la CGT qui déclaraient qu'« il n'est plus possible de collaborer avec ceux qui n'ont pas voulu condamner le pacte germano-soviétique ».
Entre-temps, l'impérialisme français était entré en guerre, le 1er septembre. Mais malgré le déchaînement de tous les autres partis contre le Parti Communiste, ses députés applaudirent le lendemain le discours de Daladier et votèrent l'augmentation des crédits militaires qu'il demandait. Le 19 septembre, lorsqu'on sut que les troupes de l'URSS avaient envahi l'est de la Pologne, le PC se retrouva complètement isolé. Il fut interdit le 26 septembre par un décret du gouvernement Daladier, et ses militants obligés de passer dans la clandestinité pour continuer à survivre politiquement.
En janvier 1940, les députés communistes qui étaient restés fidèles à leur parti furent déchus de leur mandat. En mars, le gouvernement présentait son bilan : en six mois, « 3 400 militants furent arrêtés, 500 fonctionnaires municipaux révoqués, 3 500 affectés spéciaux renvoyés au front, 1 500 condamnations prononcées ». Plus de 300 municipalités contrôlées par le PC furent dissoutes, 2 500 conseillers municipaux et 87 conseillers généraux démis de leurs fonctions, des centaines de fonctionnaires révoqués, des députés arrêtés à leur domicile ou assignés à résidence en vertu d'un décret du18 novembre, dit « loi des suspects », dirigé contre « les individus dangereux pour la défense nationale », c'est-à-dire les communistes. Parmi les militants communistes arrêtés, certains ne quittèrent les prisons françaises que pour être enfermés dans les prisons ou les camps nazis.
Enfin, le 8 avril 1940, le « décret Sérol » du nom du ministre de la Justice socialiste du gouvernement Reynaud, prévoyait la peine de mort pour « tout Français qui aura participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l'armée ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale ». Il visait là aussi le Parti Communiste qui, ayant fini de s'aligner sur la politique extérieure de Moscou, se faisait alors le défenseur d'une caricature du défaitisme révolutionnaire.
La « croisade des démocraties » avait commencé par la mise en place d'un régime qui après avoir piétiné toutes les libertés démocratiques finirait par remettre le pouvoir à Pétain. Elle s'achèverait, quelques années plus tard, avec l'entrée au gouvernement d'un Parti Communiste redevenu aux yeux de la bourgeoisie et de son personnel politique un allié indispensable pour remettre en selle l'appareil d'État bourgeois, pour imposer à la classe ouvrière de renoncer à toute revendication et de remettre en route au profit du patronat la machine économique.
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Deuxième partie :
"Des tracts sont distribués, voici ce à quoi invite l’un d’entre eux le 27 juillet 1940 : « Les soldats allemands sont vos frères, pactisez, ne vous trompez pas, votre ennemi c’est le grand capital, les trusts de France, d’Angleterre, d’Amérique »… Les tracts distribués par Guy Môquet n’appellent pas à la résistance : ils épargnent les nazis, accablent les capitalistes français, justifient le pacte germano-soviétique, attaquent l’Angleterre et les Anglais, insultent de Gaulle, font de l’URSS le pays de la liberté et de la démocratie."
Comme M. Onfray ignore ou fait semblant d'ignorer ce qu'implique le constat et la logique de classe d'un communiste de ces années-là, il ne peut pas comprendre que, dans le même temps que les communistes vivent une guerre avec tous les fascismes en Europe (Italie, Espagne, et avec la guerre, partout en Europe), ils peuvent à la fois lutter contre les armées, leurs dirigeants, et notamment banquiers et industriels, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Madame Lacroix-Riz, et ne pas considérer les soldats comme étant nécessairement leurs ennemis, puisque ce sont souvent des ouvriers enrolés de force. D'ailleurs, dans cette lutte armée que les communistes mettent en place dès 40-41, avant même la rupture du pacte, ils vont préférer assassiner des officiers plutôt que des soldats, même si, selon les circonstances, cela pourra être inévitable, nécessaire. Rol Tanguy, démobilisé en août, ne met que deux mois pour s'engager dans ce qui va s'appeler "la Résistance", en étant l'un de ses fondateurs et animateurs :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Rol-Tanguy
et
http://rha.revues.org/index1043.html
Etant donné que le nazisme est, pour les communistes, la créature montrueuse des capitalistes allemands et européens, comment les tracts diffusés par Guy Môcquet et qui les citent et les visent expressément pourraient pas concerner cette créature monstrueuse qui les traque ? Seulement voilà : Guy Môcquet et ses amis n'ont jamais identifié ALLEMANDS & NAZIS. Ils avaient raison à plus d'un titre, et notamment sur le fait qu'il y avait au sein des armées allemandes des pacifistes, des francophiles, des communistes qui ont donc décidé d'aider la résistance française.
Cf cet article très important : http://fr.wikipedia.org/wiki/Résistance_allemande_au_nazisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_résistants_allemands_au_nazisme
Dans cette liste on trouve la présence d'un grand nombre de communistes allemands. Les communistes français, rappelons-le une fois de plus, savaient ce que leurs frères allemands subissaient. Donc en aucun cas, Guy Môcquet n'aurait pu diffuser un tract pour inviter des citoyens à fraterniser avec les soldats allemands en tant que nazis, mais avec les soldats allemands en tant que membres d'un prolétariat instrumentalisé par le Capital.
"Guy Môquet est arrêté par la police de Vichy le 13 octobre 1940, non pas comme résistant, mais comme communiste stalinien appelant à pactiser avec l’occupant nazi."
Je renvoie à ce qui a été dit auparavant : les mesures anticommunistes ont commencé dès 39-40, ont été confirmées et amplifiées par le régime de Pétain, avec la menace de mort. Donc Guy Môcquet résiste, en tant que communiste, stalinien si on veut. Et d'ailleurs Staline va être très vite le principal dirigeant en Europe contre l'Allemagne nazie.
"Il est interrogé, mais pas torturé. Il vit dans le camp sous un régime qui n’est pas concentrationnaire."
Le club Med de l'époque. Que de délicatesses. Les camps en France n'étaient pas des camps "concentrationnaires" ? Comparés à ceux qui se trouvaient en Allemagne, le régime imposé aux prisonniers devait être en effet un tantinet moins dur. Mais être dans un tel camp, prisonnier, à la merci d'une condamnation à mort et de son exécutation, est-ce que ce n'est pas subir la logique d'un camp concentrationnaire ?
"Le 22 juin 1941, Hitler envahit l’URSS. "
Que c'est mal dit, et que tout ce langage approximatif et inexact reflète bien la manière si suffisante et si peu sérieuse de M. Onfray d'aborder l'Histoire et cette Histoire. Hitler fait attaquer l'URSS, et lance l'invasion, mais il ne peut pas envahir l'URSS (lui n'y est pas), et ses troupes, même d'un grand nombre, s'engagent à l'Ouest de l'URSS, or l'URSS va jusqu'à Vladivostok, jusqu'au Pacifique. Il rompt le pacte, ce qui était inévitable étant donné les idées, les volontés, des uns et des autres.
"Fin du pacte germano-soviétique brisé unilatéralement par les nazis. Les communistes changent de stratégie, presque un an après la déclaration de la guerre, ils entrent enfin dans la résistance."
Il y a les communistes, il y a le parti. Des dirigeants français du parti communiste ont souhaité, étrangement, faire reprendre au parti une vie officielle, notamment avec la republication de "L'Humanité", ce qui était factuellement impossible. Mais les communistes savaient, parce ce qu'ils vivaient, qu'ils étaient en guerre, à la vie, à la mort, avec les nazis. Je l'ai prouvé, mais d'autres preuves pourraient être ajoutées : un grand nombre de communistes n'ont pas attendu juin 41 pour commencer à résister, à s'organiser. Mais il est certain que DES LE 22 JUIN 1941, la mobilisation des communistes français franchit un pas, s'accélère. C'est l'ensemble des membres du parti qui sont mobilisés dans la Résistance – donc dès juin 41 ! D'autres, socialistes, radicaux, de droite, ne s'engageront JAMAIS ou alors en 44, quand l'affaire sera, grâce aux coups de boutoir de l'armée rouge, presque pliée. Donc lorsque M. Onfray écrit "ils entrent enfin", c'en est comique. Enfin : oui, totalement, définitivement, quand tant d'autres coupèrent les cheveux en quatre, eurent des années d'atermoiement.
"Des nazis sont abattus dans les rues. L’occupant organise des représailles et prélève des otages dans les prisons. C’est dans cette configuration que Guy Môquet est fusillé le 22 octobre 1941."
Bientôt M. Onfray va accuser les communistes résistants d'être responsables de la mort de Môcquet ! Mais qui l'a, avec ses amis, condamné à mort ? Qui a exécuté la sanction ? Qui était ce Pucheu qui a conseillé aux allemands de fusiller des communistes ?
"Le PCF qui a demandé la reparution de L’Humanité le 20 juin 1940 à l’occupant nazi sous prétexte qu’ils avaient des ennemis communs, (les juifs, les capitalistes, les anglais, la ploutocratie, le parlementarisme, lire le détail dans Juin 40. La négociation secrète de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier), ont eu besoin de se refaire une santé à la Libération – avec l’assentiment du général de Gaulle…"
"Se refaire une santé" est une expression que je voudrais volontier qualifier mais je préfère m'en abstenir. Quand on sait ce que les communistes en Europe ont subi -traques, éliminations, tortures-, ce qu'ils ont donné dans toutes les résistances européennes, ce que les soldats soviétiques ont également subi et donné, de courage et de sacrifice, face à la violence nazie, entendre un petit ploutocrate "libertaire" (cf. la multiplication de la vente de livres via de nombreuses maisons d'éditions) accuser les communistes français d'avoir besoin de "se refaire une santé", comme si, eux, avaient des choses à se reprocher ! Et pourquoi M. Onfray est-il si ignorant de celles et ceux qui ont collaboré activement ? De cette extrême-droite cagoularde et synarque qui a préparé la chute de la République déjà largement gangrénée par des radicaux si à droite à la fin des années 30 ? De cette "milice" dont il ne dit pas un mot ? De Gaulle, qui n'était pas un grand démocrate, comme le putsch de 1958 le démontrera avec la rédaction de cette Constitution monarchique dont nous souffrons tant encore, n'a pas eu à donner son "assentiment" de monarque mais a été obligé de faire avec le CNR et les Communistes étant donné leur rôlé dans la Résistance et dans la libération, de la France et de l'Europe. J'ajoute que le texte de l'appel du 10 juillet 1940 n'est pas une légende, que le 17 juin 940, Charles Tillon, à Bordeaux, faisait diffuser cet appel :
http://mai68.org/spip/spip.php?article1324
A ce moment-là, la défaite n'est pas consommée. Il s'agit clairement de faire la guerre aux fascismes, et notamment en s'associant à l'URSS.
"Guy Môquet fut un moment idéal dans le dispositif légendaire communiste : ce jeune homme stalinien qui défendait l’union des communistes avec les nazis contre la démocratie parlementaire, autrement dit le contraire de la Résistance, devint la figure emblématique d’une résistance communiste totalement inexistante à cette époque."
Je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà répondu à ces âneries et monstruosités. Ce ne sont pas seulement les communistes, mais beaucoup de citoyens qui dans les années qui ont suivi la guerre ont pu apprendre le parcours, simple, "modeste" (car Guy Môcquet n'a pas eu le temps de pratiquer la résistance armée, il a diffusé des tracts), et tragique d'un jeune français.
"Il y eut d’autres moments dans cette légende : le PCF fabriqua un faux pour faire croire qu’il avait appelé à la Résistance dès le 10 juillet 1940, « l’appel du 10 juillet » ; il s’intitula « le parti des 75.000 fusillés », alors qu’il y eut au total 4100 fusillés et que tous n’étaient pas communistes ; il présenta fautivement quelques noms de communistes comme résistants de la première heure (Tillion, Guingouin, Havez) alors qu’ils furent de bons soldats du pacte hitléro-stalinien ; etc. « Qu’avez-vous encore contre les communistes ? » me feront savoir nombre de mails ou de courriers que je sais déjà insultants… « Rien ». Rien contre les communistes, mais tout pour l’Histoire.
Non, M. Onfray, ce n'est pas ni vrai que vous n'avez rien contre les communistes quand on lit une telle note-torchon, mais ce n'est pas plus vrai que vous avez "tout pour l'Histoire", quand on constate que vous l'ignorez dans ses faits, dans ses profondeurs, et que sur la base de telles superficialités, vous méprisez la mémoire d'hommes et de femmes qui se sont battus pour libérer la France d'un péril mortel. Car faut-il vous le rappeler : sans victoire contre le nazisme, les citoyens de France auraient fini eux aussi par prendre la direction des camps d'extermination, puisque selon Hitler, l'Allemagne avait trois ennemis définitifs et radicaux : les Juifs, la France, et le communiste. Je me permets donc ici de rendre hommage à tous les Résistants français, communistes ou non, mais plus encore à ceux qui étaient communistes, français et juifs, c'est-à-dire qui cumulaient selon les délires d'Hitler toutes les tares possibles – je précise que, en faisant cela, je ne me rends pas hommage à moi-même, en tant qu'hériter, car je suis certes français mais je ne ne suis pas juif. Quant à communiste, je ne pensais pas l'être jusqu'ici, mais mesurant l'activité de la propagande d'extrême-droite anti-communiste relayée de toutes parts, fondée sur des mensonges, par des journalistes, prétendus historiens, intellectuels incultes, je me pose désormais des questions. J'ai oublié de parler des 75000 fusillés. Le bilan des victimes de la Résistance est officiellement établi dans ces proportions :
Au printemps 1945, lorsque le territoire français est complètement libéré avec la réduction des dernières poches tenues par les Allemands, on peut esquisser un bilan des pertes : 8 000 à 20 000 FFI ou FTP tués au combat, (Le commandant des forces alliées en Europe estima l'aide apportée par les FFI à l'équivalent de quinze divisions régulières. Les effectifs des FFI étaient de 100 000 en janvier 1944, 200 000 en juin et 400 000 en octobre)
30 000 fusillés (en France)
86000 personnes arrêtées pour actes et participation à la résistance, et envoyés dans les camps nazis
Les morts du STO (entre 600 000 et 650 000 français envoyés en Allemagne)
75721 juifs déportés dans les camps (dont un certain nombre parce qu'ils étaient juifs ET communistes).
"Le parti des 75000 fusillés", soit parce qu'ils l'ont été réellement, soit parce qu'ils ont été assassinés parce qu'ils étaient communistes, d'une autre manière, est donc une expression justifiée.
"Qu’il s’agisse de Freud et des freudiens, de Sartre et des sartriens, des communistes et de leur saga, le combat contre la légende et les mythes s’effectue moins « contre » que « pour » – en l’occurrence : pour l’histoire. Car le déni de l’histoire constitue et nourrit le nihilisme. "
Pour déboulonner des légendes, des mythes, il faut être fort. Vous présumez de vos capacités, M. Onfray.
Conférence de Michel Etiévent : "Guy Môquet" from Les Films de l'An 2 on Vimeo.