Menotté à son nuage, un Roman, héros Goncalves – Libération

Elle l’appelait «mon cœur», il répondait «ma fleur d’Orient». Leur amour a fini par avoir les policiers pour greffiers. Ils ont recensé 26 000 unités téléphoniques grillées chaque mois dans des confidences amoureuses et mis sous scellé des messages comme celui-ci : «Je voudrais prendre sur moi ta douleur et ta peine.»

La peine d’Emma A., c’était neuf ans de prison. Elle était l’appât du gang de Youssouf Fofana, complice (involontaire a-t-elle toujours dit) des tortures à mort sur le jeune juif Ilan Halimi en 2006. Lui, Florent Gonçalves, dirigeait la prison de femmes de Versailles où sa maîtresse de 20 ans était détenue dans l’attente de son procès en appel. Il a fait passer des puces de téléphone portable pour pouvoir l’appeler, ouvert un compte Facebook pour lui écrire, signé des dérogations pour qu’elle ait des colis bien remplis pour le ramadan et un gâteau d’anniversaire livré par une pâtisserie versaillaise. Il a écopé d’un an ferme la semaine dernière. Elle a chuté avec lui pour quatre mois (leurs peines seront sans doute aménagées).

Florent Gonçalves a longtemps porté l’uniforme et la coupe à ras avant sa révocation de la pénitentiaire, et voilà qu’il a fait pousser ses cheveux. A l’audience, elle a retenu strictement les siens avec un bout de tissu couleur saumon quand tous les journalistes glosaient sur sa longue chevelure de tentatrice, de Salomé. Elle, droite sur sa chaise, les bras croisés. Lui qui maladroitement fait pencher son corps vers elle.

Au lendemain de sa condamnation, l’ex-patron de taule réfute, vitupère, se bute. «Des dérogations, j’en ai fait pour 60 autres détenues.» «Des gâteaux d’anniversaire, il y en a eu d’autres.» «Sa proximité avec moi lui permettait de me solliciter plus facilement. Il ne s’agit pas de faveurs.» A Versailles, les filles surnommaient Emma «la Directrice». Elle leur disait : «Si tu as quelque chose à demander, passe par moi.» Emma apprécie une surveillante ? Elle sera désormais affectée dans sa coursive et participera aux séances coiffure et épilation de la favorite de la cellule 30. Une gardienne parle encore du «règne d’Emma». «Je ne vous cache pas que je suis submergé de soutiens sur Facebook. J’ai deux nouveaux amis à la minute», préfère-t-il abréger. Il est heureux.

A l’audience, la procureure a parlé de «relation pathologique». La mère d’Emma a dit aux policiers : «Il a un problème psychiatrique. Il veut s’accaparer ma fille.» Elle avait tout de même accueilli chez elle le directeur épris de sa progéniture, accepté les 300 euros qu’il lui avait demandé de faire passer. Défense d’aimer,le livre mièvre paru au lendemain de son procès, offre un récit sidérant. En «détention femmes», les gardiens hommes doivent toujours être accompagnés par une collègue. Mais Gonçalves ferme bientôt la porte de son bureau – meilleure façon d’afficher l’affaire au grand jour. Ils s’effleurent dans la salle informatique, se jurent, adolescents, de ne jamais faire l’amour avant la liberté (ils ne tiendront pas leur parole). Il court les couloirs, le salon de coiffure, la bibliothèque du second, passe la tête dans la porte de la cellule 30 pour l’apercevoir. Quand Emma lui bat froid, il confie sa peine aux codétenues de la jeune femme. L’une d’elle rassure, dans la prison transformée en lycée des cœurs brisés : «Mais elle vous aime, vous savez…»Le soir, il regarde Plus belle la vie, pour voir ce que voit Emma, elle, dans sa cellule, lui dehors, dans l’appartement de fonction de 120 m2 avec vue sur le château de Versailles. Sa femme, surveillante à la Santé et mère de leur fille, est dans une pièce voisine.

Gonçalves a toujours été en couple, même s’il peut compter sur une seule main ses unions passées, sages et durables. «Pour s’être aveuglé à ce point, il a manifestement une certa

via www.liberation.fr

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