Conteur prolifique descendant d’antiques seigneurs kurdes, de fameux bandits et de poètes errants, Yachar Kemal reste à 88 ans le plus grand écrivain turc vivant. Longtemps il fut même, avec le poète Nazim Hikmet, le seul célèbre à l’étranger avec ses romans traduits en une trentaine de langues, et fut pressenti plusieurs fois pour le Nobel. Le premier lauréat turc fut finalement en 2006 Orhan Pamuk, romancier de talent, dont l’œuvre néanmoins n’a ni la puissance, ni la résonance de celle de son devancier. La publication en «Quarto» de la magnifique Saga de Mèmed le Mince, classique de la littérature de la révolte, est une occasion de la redécouvrir. Mèmed est un jeune paysan affamé de justice autant que de pain. Il fuit la misère et le travail de la glèbe «avec les chardons qui vous happent la jambe comme un chien». Il refuse l’arrogance du pouvoir de l’agha, le propriétaire terrien, fort avec les faibles et faible avec les forts. Les yeux du jeune Mèmed disent tout, «sa vitalité, sa haine, son amour, sa peur, sa force». Il prend le maquis, en sachant que c’est une voie sans issue. «Jamais bandit ne sera maître du monde», dit un vieux chant turc.
Rage. C’est «un homme obligé», un homme contraint à la révolte, comme l’expliquait Yachar Kemal dans un livre d’entretiens avec Alain Bosquet, dont une version raccourcie sert d’introduction au volume qui regroupe les quatre romans. Le premier a été écrit par Kemal quand il avait tout juste 25 ans et le dernier achevé alors qu’il dépassait la soixantaine. Mais avec une même rage chevillée au corps. Tout homme qui un jour décide de dire non se retrouve en Mèmed. D’où le succès mondial de cette épopée.
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