Quelques
semaines après que les résultats des élections de mai et juin
2012, l'élection présidentielle et les législatives, aient changé
les personnes et les orientations politiques, j'ai adressé cette
«Lettre» publique à l'attention de Madame Aurélie Filipetti,
Ministre de la Culture et de la Communication. Dans cette lettre,
comme tant d'autres, j'ai fait le constat que des médias de masse,
privés mais aussi et surtout «publics», donc relevant des
financements publics, connaissaient des fortes dérives vers des
propagandes, en lieu et place de «l'information». 3 mois plus tard,
face à l'absence de réponse de la Ministre et/ou de ses services,
j'ai donc décidé de m'adresser à des élus : un élu de
l'Assemblée Nationale, un élu du Sénat, et un service du CSA. Vous
trouvez ci-dessous cette lettre. Entre temps, ces mêmes médias ont
été l'objet d'une offensive, elle très médiatisée, d'une «Droite
forte» et de l'extrême-droite qui réclame eux, d'une manière
extrêmement partiale et inacceptable, que des médias très
fortement marqués par des journalistes et des éditorialistes de
droite, connus de tous comme tels, soient encore plus marqués à
droite, au motif qu'il y aurait dans les médias des «journalistes
de gauche» et que cette «droite forte» ne parviendrait pas à se
faire entendre. Suite à la défaite de l'ex majorité présidentielle
(mais même avant la fin de la campagne, lorsque des journalistes
d'une chaîne pourtant très compréhensive avec cette droite
politique, BFM TV, avaient été pris à partie lors d'un meeting et
place du Trocadéro par des militants UMP), certains membres et
sympathisants de ce camp ont estimé qu'elle s'expliquait par une
propagande anti-leur candidat. Car, en effet, une certaine presse
(citons l'exemple de Marianne) se faisait l'écho des décisions, de
leurs conséquences, des comportements, des principaux dirigeants de
cette ex majorité, et qu'elle donnait ainsi des échos, avec images
et textes, aux sentiments négatifs d'une partie importante des
citoyens, hostiles à ceux-ci.
Mais,
POUR LE RESTE, les médias privés (comme BFM TV, mais aussi les
radios), ET AUSSI les principaux médis publics, ou faisaient silence
à des affaires, des enquêtes (les «révélations» de Médiapart
ont été ignorées à plus de 50%), ou parlaient en terme élogieux
des principaux élus de cette ex majorité, qui trustaient les
antennes, les émissions, pour une raison ou pour une autre, pour un
prétexte ou pour un autre. Sans qu'il y ait eu besoin d'engager le
pays dans la voie aussi radicale de la Hongrie de M. Orban (des
médias entièrement contrôlés et muselés qui interdisent
l'expression de l'opposition), ces médias ont été aux ordres, que
ce soit explicitement ou non, clairement ou non. Des émissions ont
proposé des caricatures d'information, que ce soit la célèbre «C
dans l'air » dont certains éditorialistes ont leur strapontin
à vie, ou encore «L'ombre d'un doute» dans laquelle son principal
animateur a repris les antiennes de l'extrême-droite contre la
République, à propos de la Vendée et de Robespierre. Ce ne sont
que des exemples, noyés dans tant d'autres, qu'il suffit d'un hasard
pour subir un nouveau haut-le-cœur. En 1981, M. Elkabbach,
bien connu des citoyens-téléspectateurs parce qu'il s'était fait
le chantre d'un giscardisme réputé «génial et flamboyant» a
trouvé refuge dans une rédaction privée après que les nouveaux
élus aient fait comprendre qu'il ne lui était pas possible de
rester après tant de services rendus. Quelques mois après
l'élection présidentielle et les élections législatives, aucun
principal responsable de médias qui ont orchestré pendant des mois,
et à travers un ensemble de moyens, une propagande à la fois pour
des hommes, des «idées», sociales, politiques, économiques, n'a
été prié de changer d'air, ou de faire autre chose, et du coup,
tout continue comme avant.
A
la tête de France Télévisions, M. Pfimlin a bâti une grille qui
prolonge la précédente, et s'est même permis le luxe de virer Mme
Pulvar, au motif qu'elle est la compagne de M.
Montebourg, quand cela ne l'a jamais gêné de confier à l'épouse
d'un ex Ministre de droite, Mme Béatrice Schönberg, une émission,
y compris en pleine période de campagne électorale (non officielle,
mais 12 mois avant de telles élections, un pays est en campagne
électorale). Avec cette rentrée, les provocations se sont
accumulées, notamment avec les promotions de M. Bern, porte-parole
de la noblesse européenne, qui prétend faire des émissions
d'Histoire alors qu'il s'agit d'hagiographies indécentes typiques
des voix de la «Cour» – du Roi, comme si la République n'avait pas
supplanté et fait disparaître la royauté. Au cours des émissions
du vendredi soir 19 octobre 2012, des membres de la rédaction de
Médiapart et du syndicat SPIIL ont indiqué que, ce même jour,
alors qu'ils faisaient connaître leur «Manifeste pour un nouvel
écosystème de la presse numérique», aucun représentant du
Ministre de la Culture et de la Communication, mais plus largement,
aucun représentant du gouvernement, n'est venu, malgré les
invitations envoyées et reçues. Il faut donc constater que, dans ce
domaine comme dans d'autres, la consultation réellement démocratique
n'est pas de mise. Mais les nouveaux élus choisissent, consciemment
ou non, de protéger un système médiatique et ses principaux
animateurs-bénéficiaires qui, pourtant, utilisent celui-ci pour les
mettre en cause avec parfois une véhémence sidérante. Les
différents Ministres entendent-ils la manière dont tel ou tel
«journaliste-star» se permet de caricaturer leurs décisions et
leurs actions, ou pire encore, se permet de mentir en simplifiant
parfois à l'extrême ? L'indépendance des médias n'existe
pas, mais son motif ne doit pas être utilisé pour permettre que
cette négation perdure, et s'incarne, d'une manière paradoxale et
scandaleuse, dans l'expression de quelques journalistes qui entendent
se servir de leur place pour mener leur propre politique contre
celles et ceux qui ont été élus et ne leur conviennent pas. Mais
si le système est si verrouillé, c'est que derrière ces médias et
ces journalistes «connus» qui trustent, par le cumul, tant de
places, il y a une Bourgeoisie parisienne qui ne veut pas permettre
que ces médias ne soient pas à son seul service exclusif, parce
qu'elle sait que l'ouverture médiatique se fera à son désavantage.
LA ENCORE, comme dans tant d'autres domaines, les élus «socialistes»
ont un choix, historique et décisif à faire. Ils ne doivent pas
ignorer que leurs opposants, adversaires, ennemis comme à ceux de
l'ensemble des citoyens entendent les renvoyer chez eux et imposer
aux citoyens une politique à la Orban.
L'inaction
d'un ou d'une responsable qui peut et doit influer sur les situations
actuelles reviendra à de la collaboration, passive ou active, avec
ce qui pourrait suivre et qui pourrait être dramatique. Avant de
décider et de décréter, il faut y travailler. C'est ce que le
Ministre de l’Éducation a estimé nécessaire, même si le travail
sur la «refondation» a été trop rapide. La Ministre de la Culture
et de la Communication n'a pas fait connaître qu'elle souhaitait
engager un tel travail, pourtant essentiel à un secteur aussi
déterminant pour le présent et l'avenir d'une nation. Si elle
devait trop tarder à engager ce travail, il faut souhaiter que des
forces démocratiques importantes s'y engageront ensemble (le SPIIL,
les Indignés du PAF, Acrimed, Arrêt sur Images, etc). Ils y sont
appelés ici aussi, même s'il s'agit d'un appel individuel. Et si ce
nouveau texte, comme la première lettre et la seconde ne proposent
pas un ensemble de réformes et d'innovations «clés en main»,
c'est que précisément cet ensemble doit provenir de ce que seront
ces échanges, ces dialogues.
Mais
pour que ce texte ne paraisse pas seulement faire des constats,
négatifs et critiques, il faut donc évoquer des pistes de solutions
pour ces médias publics. Il y a plusieurs domaines différents :
les programmes, les moyens et les heures de diffusion, les condition
de travail des salariés. Pour les programmes, les médias publics
devraient avoir une obligation d'équilibre entre les programmes de
divertissement (quel que soit le programme) et les programmes de
connaissances, mais aussi de débats ouverts. Une émission en direct
au minimum hebdomadaire et d'une durée suffisante pour que les
échanges aient un sens (entre 3 et 4 heures) devrait être diffusée,
avec des invités multiples, différents et notamment «inconnus»
(celles et ceux qui jusqu'ici ne sont jamais passés sur une chaîne
de télévision, sur une radio, etc). Les émissions de connaissances
à tendance polémique (une période historique) devraient avoir
l'obligation d'être élaborées et réalisées avec une pluralité
d'intervenants, de différents statuts, savants, élus, citoyens. Les
radios publiques devraient avoir l'obligation de diffuser un quota à
déterminer de jeunes et de nouveaux artistes que les autres radios
ne diffusent pas. En effet, il n'est pas normal que celles et ceux
qui vendent le plus, d'albums, de titres, soient les plus diffusés
sur les radios et que dans le même temps certains ne bénéficient
d'aucune diffusion. Les rédactions qui élaborent et diffusent des
JT devraient rassemblés des journalistes avec des profils
différents, avec des expériences dans des médias eux-mêmes
différents (et les nouveaux médias d'Internet, Médiapart, Rue89,
devraient en faire partie). Contrairement à ce qui peut être dit
par des «théoriciens» et «historiens» des médias, l'âge d'or
des médias n'est pas derrière nous (il ne faut pas confondre
France-Soir avec «les médias » !), mais devant nous si
les médias fonctionnent sur des croisements, de moyens, de
personnes, à l'instar de ce qu'Internet fait déjà. Croisement,
telle devrait être l'une des principales notions de l'interprétation
et de la production de ces nouveaux médias, à l'instar de ce qui,
dans les enquêtes judiciaires, permet d'obtenir des preuves. Quant
aux conditions d'emploi sur France Télévisions ou Radio France, une
limitation du cumul des activités/revenus devrait être obligatoire,
histoire de ne pas permettre que des «cadres» des médias privés
viennent recevoir des émoluments conséquents et supplémentaires
sur les médias publics. Enfin, les salaires de ces médias publics
devraient être disponibles sur les sites de ces médias.
La lettre destinée à des élus de l'AN, du Sénat et au CSA
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