Pourquoi réveiller les morts ? Et pourquoi Maurice Papon, enterré en 2007 avec sa Légion d’honneur ? Au-delà du parcours de cet « homme d’ordre », le documentaire d’Emmanuel Hamon et Marc-Olivier Baruch fait s’interroger sur les « élites » françaises, leurs valeurs et les choix historiques faits au nom de la nation.
Maurice Papon fut la perfection faite fonctionnaire, obsédé par la continuité de l’Etat. Sa longue carrière — plus de cinquante ans — a épousé les pires tourments du XXe siècle. Au « service de l’Etat », sa seule religion, il se retrouve toujours du mauvais côté de l’histoire : déportation des Juifs, guerre d’Algérie, répression des émeutes du FLN en 1961, massacre du métro Charonne en 1962… Il fallut ces derniers morts, et le rôle trouble de la préfecture de police de Paris dans l’affaire Ben Barka, pour que de Gaulle se sépare de son préfet de police de Paris en 1967. Sinon, Papon aurait été aux commandes en mai 68, face aux barricades. A exhorter ses troupes dans son français fleuri : « Pour un coup reçu, il faut en porter dix… Le maintien de l’ordre l’exige de nous, fonctionnaires au service de la Nation. »
Né trop tôt pour faire l’ENA, le garçon de bonne famille est entré au ministère de l’Intérieur à 25 ans, en 1936. Le gouvernement est alors à gauche, et Papon, radical-socialiste, se fond dans le Front populaire. Quatre ans plus tard, l’Etat est devenu français, un maréchal chevrotant a remplacé Léon Blum. A Vichy, puis à Bordeaux, Papon apprend la meilleure façon de marcher dans les pas des nazis. Secrétaire général de la préfecture de la Gironde, il met les Juifs en fiches, puis dans des trains pour Drancy, quand d’autres, comme Jean Moulin, choisissent de sacrifier la raison d’Etat à la raison tout court. « Tout fonctionnaire a le devoir d’obéir », martèle Papon, quand les employés du « service des affaires juives » font la grève du zèle.
Lui, il en fait preuve. L’ultime convoi français partira à l’heure de Bordeaux, le 5 juin 1944, la veille du débarquement. Il a cependant donné de menus gages à la Résistance, qui lui vaudront d’échapper aux comités d’épuration et même d’obtenir sa première médaille. En avril 1945, il est au premier rang sur la photo, à côté du nouveau préfet de la Gironde, ancien résistant. Pétainiste en 1940, Papon est devenu un fervent gaulliste. Le Général l’envoie en Algérie. Il y arrive lors des émeutes de Sétif, qui dégénèrent en massacre.
Par la suite, Papon, nommé préfet de Constantine
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