Mais pourquoi les revenus sont-ils aussi inégaux aux Etats-Unis ?

Alors que le mouvement Occupy Wall Street a disparu de la une des journaux, les maux qu’il dénonce — en particulier l’inégalité flagrante entre le « 1% » des plus haut revenus et le « 99% » du reste — restent bel et bien d’actualité. Les chiffres sont flagrants.

En 2011, selon les calculs des économistes Thomas Piketty et Emmanuel Saez, la part des revenus supérieurs à 367 000$ bruts annuels (soit 280 000€, le fameux « 1% ») dans le revenu total des Etats-Unis était de presque 20%.[1]  Bien que ce chiffre chuta légèrement après la crise de 2008, il semble être en fait reparti à la hausse depuis lors. A titre de comparaison, en France les 1% des plus haut revenus comptaient pour seulement 8% des revenus totaux en 2009.[2]  Mais au-delà des statistiques, l’actualité en dit aussi long sur la réalité d’une situation où, semble-t-il, la crise financière n’a pas changé profondément les habitudes du monde des affaires (dont les membres sont surreprésentés parmi le « 1% »). Selon deux articles publiés récemment dans le New York Times, les parachutes dorés, loin d’avoir disparu, sont toujours à la mode ; quant aux salaires des dirigeants d’entreprises, bien qu’on en parle moins, ils continuent toutefois de battre chaque année de nouveaux records (en 2012, le salaire médian des 200 plus riches P.D.G. était de 15 millions de dollars, soit 11,5 millions d’euros).[3]

De l’autre côté de l’échelle, chez les « 99% », la situation est, à l’inverse, de plus en plus préoccupante. Tandis que les plus riches se sont enrichis depuis la fin des années 1970, les classes moyennes et ouvrières ont stagné, et récemment se sont même appauvries. Alors que le salaire moyen du 1% des plus riches a plus que doublé entre 1978 et 2011, de 400 000$ à un peu plus d’un million, celui de 90% des plus bas revenus a reculé d’un peu plus de 33 500$ à 30 400$ (23 500€). En d’autres mots, les fruits de la croissance soutenue de l’économie américaine durant cette période — le PIB du pays a plus que quadruplé —sont allés en majorité à ceux en haut de la pyramide des revenus. Encore une fois, si l’on regarde au-delà des statistiques, il est évident que la santé économique de la classe moyenne américaine, moteur tant vanté de la croissance du pays depuis la Seconde Guerre mondiale, se détériore lentement mais sûrement, année après année. L’escalade ahurissante des coûts médicaux, l’effritement des plans retraites, le déclin des syndicats et avec eux la précarisation toujours plus importante du marché du travail, les coûts prohibitifs de l’éducation supérieure, la chute des prix immobiliers ces dernières années, l’explosion de la dette individuelle etc., sont quelques-uns des principaux facteurs aggravants. La situation est devenue tellement asymétrique que les Etats-Unis sont de plus en plus comparés aux pays « en voie de développement », dont les sociétés sont souvent marquées par la domination d’une oligarchie économique et sociale. Selon une étude de la fondation allemande Bertelsmann, en termes de « justice sociale », les Etats-Unis arrivent ainsi 27ème sur 31 pays de l’OCDE, devançant seulement la Grèce, le Chili, le Mexique et la Turquie.

via blogs.mediapart.fr

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