Lettre publique à Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, à propos de la démocratisation médiatique et des réalités économiques du monde de l’édition, note 1

Madame La Ministre,

Dans un monde où il faut toujours justifier de plus que son existence lorsque nous nous adressons à une personne titrée, c'est en tant que citoyen, auteur, intellectuel, que je me permets de vous écrire, quelques jours après la confirmation de votre désignation à la tête du Ministère de la Culture et de la Communication. Pour une partie des problèmes (les droits d'auteur des livres publiés), j'ai écrit une seule fois au précédent Ministre de la Culture, sans jamais recevoir la moindre réponse, mais nous sommes nombreux à avoir compris que le précédent gouvernement et la précédente majorité étaient peu à l'écoute des constats, des analyses et des propositions des citoyens. On nous dit, parce que ce fut un slogan de campagne, parce que c'est une affirmation répétée publiquement, que «les choses changent», et c'est aussi ce que j'entends savoir, mais aussi vous proposer. Faire changer les choses, c'est, nécessairement, agir sur la ou les structures fondamentales, et non agir aux marges. C'est bien pourquoi de prétendues «réformes» du gouvernement et de la majorité de 2007 à 2012 n'en étaient pas, puisqu'elles ne modifiaient en rien les structures fondamentales des différentes parties du système économique, comme la loi sur les retraites en est le symbole hélas parfait et dramatique. La centralisation française des forces politiques et économiques à Paris est notamment celle des «médias». Parmi ceux-ci, les chaînes de télévision occupent encore une place très importante. Publiques et privées, elles ont des obligations, communes et différentes, dans des cahiers des charges, mais aussi via la déontologie journalistique, et elles perçoivent des financements publics ou des moyens pour mener leurs activités. Dans leur «diffusion», ce qu'elles appellent «l'information» occupe une place quotidienne importante : journaux télévisés (JT), émissions de reportages, de commentaires de l'actualité, etc. L'élaboration et la nature de cette «information» s'inscrivent dans ce que beaucoup appelle le «pluralisme ». Parce qu'il y a des différences de statuts et de droits, je ne vais pas mélanger indistinctement les chaînes et radios publiques et privées, et donc je vais écarter de ma réflexion celles qui échappent à l'influence de la puissance publique. Les chaînes télévisuelles du service public sont, elles, censées incarner et faire progresser et ce «pluralisme», et les connaissances.

 Or, que ce soit à l'occasion des JT comme de certaines émissions connues et importantes du service public, le pluralisme et la diffusion de réelles connaissances sont bafoués, ignorés, méprisés, et en lieu et place de «l'information», il y a une propagande. Ces faits, de propagande, ont été établis, dès 2002, par M. William Karel, et de nombreux observatoires et observateurs, comme Acrimed, et d'autres, continuent de les établir. Les élus changent, mais cette propagande ne change pas. Comme si cette «superstructure» médiatique, parisienne, était autonome, indépendante, n'avait de compte à rendre à personne, et pouvait faire ce qu'elle veut. Ferait-elle entièrement des actions parfaites, nous ne pourrions que nous taire et applaudir, mais il n'en est rien. Depuis la disparition de la célèbre émission de Michel Polac, le direct a été banni de la diffusion : une libre parole civique semble faire trop peur à celles et ceux qui entendent que ces médias servent seulement à donner des échos limités à des sujets limités. Certaines émissions diffusées par le service public sont caricaturales : l'émission «C dans l'air» sur France 5 propose de pseudo débats, entre, ou les mêmes interlocuteurs, de semaine en semaine, de mois en mois, ou les mêmes affirmations, politiques, économiques, problématiques et contestables. M. Calvi, animateur de cette émission, incarne là aussi jusqu'à la caricature le cumul des attributions, et je n'en doute pas, des revenus. Or si le cumul politique fait l'objet, grâce à la nouvelle majorité que vous incarnez, d'une limitation nouvelle et essentielle au renouveau démocratique, celui-ci est également dépendant d'une limitation du cumul médiatique, d'autant qu'une telle limitation est également à même de participer à la diminution du chômage. Les récentes élections ont vu, le soir du 6 mai comme les soirs des 10 et 17 juin, la parole démocratique être confisquée par des médiacrates parisiens connus pour leurs obsessions. Il y a quelques années, de telles élections donnaient lieu à la circulation de la parole, avec notamment la participation de citoyens, intellectuels, artistes, qui apportaient leurs sentiments et leurs points de vue, propres et différents. En fait, la parole publique, sociale, est interdite d'antenne, et elle est confisquée au profit des mêmes : qui sont à la tête ou membres de telle ou telle rédaction de la presse écrite, qui sont sur les radios, etc. Hélas, le pire est à craindre, et il existe. Depuis plusieurs semaines, la rédaction de France 2 diffuse des reportages partiels, partiaux et parfois mensongers, sur des faits majeurs de la politique nationale et internationale. Nos pauvres amis Grecs ont ainsi l'objet de multiples courts reportages dont les principes et les conclusions étaient dictés, sont dictés, par la vulgate néo-libérale. Les termes utilisés par celles et ceux qui ont imposé des plans de destruction de l'économie grecque et des droits sociaux ont été repris : les «plans d'aides» se sont succédés, mais ils auraient échoué, parce que les Grecs seraient des fainéants, des tricheurs. Imagine t-on un instant ce que nous penserions si pour expliquer les difficultés de la France, des médias allemands expliquaient que les Français sont pour l'essentiel des gens qui travaillent le moins possible, sous-déclarent le travail, etc ?

Notre sentiment répondrait immédiatement, mais au-delà, les faits économiques démontreraient que les travailleurs français travaillent beaucoup et bien (la «productivité»!) et plus que les Allemands, qu'il existe des fraudes, mais heureusement limitées, et que si elles sont encore trop nombreuses, c'est que, par exemple dans le monde du travail, l'Inspection du Travail a des effectifs notoirement trop faibles, le Droit du Travail a été constamment affaibli depuis dix ans. Si encore les affirmations, partielles, partiales, d'une telle rédaction étaient contrebalancées par des interlocuteurs qui pourraient apporter des éléments supplémentaires de réflexion, mais le service public est tellement verrouillé que ces éléments ne sont jamais exprimés et donc audibles. Les chaînes de télévision régionales sont, dans le domaine, pire encore. «L'information» y occupe une place superficielle. Les problèmes économiques sont ou totalement évacués ou seulement évoqués. La parole libre civique est inexistante. Les débats politiques pour les récentes élections ont curieusement écarté à priori des représentants d'une partie de la gauche. La sous-information côtoie la désinformation, et pire, le mensonge. Une émission consacrée à «l'Histoire» par France 3, « L'ombre d'un doute », présentée par Frank Ferrand, n'a pas hésité à mentir sur les Révolutionnaires, Robespierre, en reprenant à son compte les thèses d'historiens royalistes catholiques qui accusent ceux-ci d'avoir, en Vendée, perpétré un «génocide». Toute l'émission était à charge, contre la Révolution, et le plateau des «experts» qui suivait le reportage était à l'unisson de cette propagande. M. Calvi a consacré un «C dans l'air» à  …

Téléchargement LETTREPUBLIQUEAMADAMELAMINISTREDELACULTURE

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Translate »
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x