L’idée vient d’un Premier ministre, candidat à la présidentielle : instaurer un salaire maximum en France, en limitant de un à dix l’éventail des revenus. Il ne s’agit pas de Fillon, mais d’une fiction – le film Pater, d’Alain Cavalier, en salle depuis hier – où Vincent Lindon surfe à Matignon sur l’émotion suscitée par les fins de mois mirobolantes des grands patrons. Une fiction, certes, mais qui puise son inspiration dans le monde bien réel des inégalités de revenus, entre la majorité de la population et une poignée de privilégiés. Un phénomène en plein essor depuis plus de dix ans en France, qui suit sur cette question la trace des Anglo-saxons.
Recul.«Choquantes»,«extravagantes», voire «obscènes», suivant les observateurs, ces rémunérations trop visibles, faites de salaires fixes, de bonus, d’actions gratuites et autres stock-options, sont aujourd’hui, comme dans Pater, dans le collimateur des politiques. Sauf que le courage (ou la folie, suivant les points de vue) des deux principaux partis reste, sur ce thème, très en deçà de leur indignation. Et bien loin de la piste avancée par Vincent Lindon dans le film. Le Parti socialiste propose ainsi de limiter de 1 à 20 les rémunérations, mais dans les seules entreprises où l’Etat détient une participation. Dans le secteur privé, le PS confierait au conseil d’administration le soin de définir ce ratio, après avis consultatif du comité d’entreprise. Un recul par rapport à sa première proposition, qui voulait rendre cet avis conforme, donnant ainsi un vrai pouvoir aux représentants des salariés sur les écarts de fiches de paye. A droite, l’ambition est encore plus modeste. Après avoir roulé des mécaniques début 2009, en menaçant de limiter les rémunérations des PDG des banques aidées par l’Etat, Nicolas Sarkozy semble être revenu à de plus sobres objectifs. Son ministre du Travail, Xavier Bertrand, est bien parti en guerre, lundi, contre les rétributions«extravagantes», qu’il propose de soumettre à une «taxe». Mais sans préciser le seuil de revenus, et encore moins le taux. Quant au Premier ministre, qui avouait samedi, dans les colonnes de Nice Matin, être «choqué par les progressions de salaires de quelques-uns, totalement déconnectées de la réalité économique», il a aussitôt ajouté ne pas croire «à une réglementation des salaires». Bref, les gros revenus ont encore de l’avenir.
Ces inégalités croissantes n’ont pourtant rien d’un mythe. L’économiste Camille Landais parle même d’une «explosion des très hauts salaires», qui «contraste avec la grande stabilité de la hiérarchie salariale observée depuis trente ans». Entre 1998 et 2005, et alors que les 90% des Français les moins bien payés voyaient leur salaire progresser de 3%, les revenus du travail des 1% les mieux lotis bondissaient de 14%, ceux des 0,1% de 29%, et ceux des 0,01% explosaient de 51%… En 2007, selon l’Insee, les 1% des salariés à temps complet les mieux rémunérés percevaient ainsi un revenu moyen annuel de 215 000 euros, soit sept fois plus que la moyenne des salariés (32 000 euros).
Patrimoine. Mais les inégalités de salaires ne disent pas tout. De nombreux dirigeants sont aussi sous perfusion de stock-options ou autres actions gratuites, pour des montants atteignant parfois la majorité de leur rémunération. Or là aussi, l’envolée des inégalités – dans le haut du panier – des revenus pris dans leur ensemble (travail et patrimoine), atteint un niveau inquiétant. Selon Camille Landais, les rentrées des 90% des foyers les moins riches ont progressé de 5% entre 1998 et 2005. A côté d’eux, les 5% les plus riches ont augmenté leurs ressources de 11% sur la même période, les 1% de 19%, les 0,1% de 32% et les 0,01% des plus fortunés de 43%… Une hausse qui doit beaucoup à l’envolée des trè
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