Sur le fond même de la réforme : que pensez-vous de cette ré-articulation en trois niveaux entre ce qui relèvera des droits fondamentaux, ce qui relèvera des accords de branches et d’entreprise, et le reste ? Comment peut fonctionner cette fusée à trois étages ?
Les deux derniers ne sont que les deux faces d’une même médaille. On va mettre en place des droits fondamentaux, c’est très bien. Mais c’est déjà dans le code du travail. L’égalité, la lutte contre le harcèlement, les discriminations. Et ces principes sont mis à l’abri de la négociation collective. Pour le deuxième étage de la fusée, on dit que la loi se retire et on fait confiance aux partenaires sociaux… Ce qui est un discours profondément libéral où prime l’imaginaire d’un droit sans État. On complète cela en disant que s’il n’y a pas de conventions collectives, alors on fera des lois supplétives qui vont combler les trous. Donc il n’y a que deux étages : la convention collective d’abord et sans ça, la loi. Il s’agit bien d’inverser le modèle du droit du travail français. Quand je lis que Hollande a garanti le respect de la hiérarchie des normes, on prend les gens pour des imbéciles.
Le gouvernement a répété que la loi reste prioritaire dans différents domaines tels que la santé au travail, l’égalité professionnelle, la lutte contre les discriminations, le salaire minimum ou les règles encadrant le CDI. De ce point de vue-là, la hiérarchie des normes est respectée…
Oui, mais une partie considérable y échappe ! La plus grande partie du code du travail basculerait dans le champ de la négociation collective, mais pour quel bénéfice ? En quoi cela va-t-il créer du boulot ? On nous dit que ce sera plus adapté à la particularité des entreprises mais c’est un vœu pieux. Qui l’a démontré ? En quoi le processus sera-t-il plus lisible ? On va avoir un maillage de conventions collectives absolument incompréhensible. Il n’est même pas du tout certain que les entreprises s’y retrouvent. Quand je vois les exemples donnés par le ministre, on se moque du monde ! Il n’y a pas besoin de changer de modèle. Une entreprise avec beaucoup d’employés à temps partiel qui ne peut pas les faire travailler plus, ce n’est pas vrai ! Ça s’appelle des heures complémentaires et c’est déjà prévu.
via www.mediapart.fr