Ces derniers jours, Rome n’en finit plus de se tourmenter. Après avoir perdu son maire Ignazio Marino la semaine dernière, contraint à la démission pour une sordide affaire de dîners privés payés avec la carte de crédit de la ville, la “ville éternelle” assiste au grand ménage interne du Vatican à quelques jours du début de l’année sainte, avec l’arrestation d’un prêtre et d’une collaboratrice pour vol et diffusion de documents sensibles (dans deux livres autour du VatiLeaks paraissant à la fin de la semaine). Mais cela n’est rien par rapport au méga procès du groupe « Mafia capitale », qui s’ouvre ce jeudi.
Place du Capitole à Rome, face à la mairie © dr
L’événement est attendu depuis 11 mois dans les salons de la politique romaine et nationale. Il est l’aboutissement d'une grande enquête des carabiniers, révélée en décembre 2014 et baptisée « Monde du milieu ». « Mafia capitale » est le nom ensuite utilisé par les enquêteurs, puis les journalistes, pour nommer la mafia romaine, « une nouvelle association de malfaiteurs qui présente un caractère local et original, selon les termes du procureur de Rome Giuseppe Pignatone. “Local”, parce qu'elle est une organisation romaine, et qu’elle n’a pas de lien avec les autres organisations classiques. “Original”, car elle possède des caractères propres, différents des organisations classiques du Sud ».
Dès ce mardi 3 novembre, quatre premières condamnations ont déjà eu lieu, au terme d’une procédure particulière (permettant d’éviter tout débat contradictoire et de bénéficier d’une forte réduction de peine). Emilio Gammuto, Emanuela Salvatori, Raffaele Bracci et Claudio Gaudenzi ont été condamnés à des peines oscillant entre 4 et 5 ans de prison chacun, pour des crimes allant de la corruption à “l'usure” (des prêts avec des intérêts très élevés). Pour Gammuto a été reconnue la circonstance aggravante de participation à une association mafieuse.
« Mafia capitale » est un groupe criminel actif à Rome depuis le début des années 2000, qui a gagné en autorité et en moyens financiers grâce notamment à l'extorsion de fonds et à d'autres activités de type typiquement mafieux (“usure”, intimidation, contrôle du territoire…), mais aussi grâce à son accès aux coulisses de la municipalité, de la Région et de l'État, qui lui a permis de remporter de nombreux contrats publics de plusieurs millions d’euros.
Selon les enquêteurs, l'organisation romaine est dirigé par Massimo Carminati, surnommé « l’Aveugle » (« er Cecato »), un ancien terroriste d'extrême droite des années 1980, ancien membre de la tristement célèbre « banda della Magliana », et par Salvatore Buzzi, un ex-prisonnier modèle devenu président d'une « holding » de coopératives sociales œuvrant dans divers domaines (entretien de jardins communautaires, gestion de centres d'accueil pour migrants, projets pour les Roms, foyers pour sans-abri, collecte des déchets…). Une cinquantaine d’autres personnes vont aussi se succéder sur le banc des accusés, notamment des hommes politiques, des fonctionnaires et des criminels plus « traditionnels ».
via www.mediapart.fr