Le «Greenpeace de la finance» se précise | Mediapart

Sept mois après l'appel de 22 eurodéputés pour le lancement d'un «Greenpeace de la finance» en Europe, aujourd'hui signé par quelque 150 élus, le projet est sur le point de se concrétiser. Une réunion à Bruxelles d'une quarantaine d'ONG et de syndicats, jeudi 3 février, doit finaliser le dernier tour de table, dernière étape avant la mise sur pied officielle de cette structure baptisée Finance Watch. «Nous entrons dans la phase opérationnelle», confirme Pascal Canfin, eurodéputé Verts à l'origine de l'initiative. Alors que la France préside, jusqu'en novembre prochain, un G-20 qui s'annonce périlleux, décryptage des enjeux liés à ce nouvel acteur du lobbying bruxellois.

Le projet: contrer le lobby des banques
A l'origine, le constat d'une «asymétrie». Pour prendre des décisions en matière énergétique, Greenpeace s'affronte avec le lobby nucléaire. Pour négocier les retraites, patronat et syndicats débattent. Mais lorsqu'il s'agit de réguler la finance, il n'y a qu'une partie: seul le lobby des banquiers a son mot à dire, pour influencer les prises de décision des élus. Pascal Canfin constate ainsi «la puissance hallucinante du lobby financier, qui fait que les intérêts de cette industrie sont totalement sur-valorisés au sein de la communauté politique». D'où le projet de «faire entendre un autre son de cloche aux députés», en mettant sur pied un lobby d'ONG, qui produise une expertise capable de rivaliser avec celle des patrons des banques.

Le précédent américain: Americans for financial reform
Aux Etats-Unis, cette structure existe déjà. Le groupe Americans for financial reform a pesé, durant les laborieuses négociations du «Dodd-Frank Act», cette loi signée en juillet 2010 qui réorganise en partie le secteur financier outre-Atlantique, et a aidé à l'adoption de la «Volcker rule» dont Wall Street ne voulait pas entendre parler. Ce lobby reste aujourd'hui engagé dans un difficile bras de fer avec la surpuissante industrie bancaire américaine. Financé par plus d'une centaine d'associations et de syndicats nationaux, l'«AFR» a dépêché à Washington une quinzaine de lobbyistes à temps-plein, avec des pics allant jusqu'à quarante personnes lorsqu'un point clé du texte était en négociation.  

Qui soutient? Qui finance?
Finance Watch a d'abord été porté par des eurodéputés, surtout français et allemands, et officiellement de tous les bords politiques (lire la liste des soutiens ici). En fait, à quelques exceptions près (le Français Jean-Paul Gauzès, du Parti populaire européen, ou le Luxembourgeois Charles Goerens, des Libéraux), il s'agit d'élus plutôt ancrés à gauche. C'est d'ailleurs toute l'ambiguïté du projet: le futur lobby, qui aura pour mission d'influencer des hommes politiques, a été initié par… des hommes politiques. D'où les réticences de certains, comme l'eurodéputée Sylvie Goulard (ALDE, libéraux), spécialiste des questions financières en Europe: «Leur diagnostic est juste. Mais je ne pense pas qu'il appartienne à la classe politique d'organiser la société civile. Les élus sont là pour défendre l'intérêt général. Le secteur associatif peut très bien se prendre par la main

Après la réunion de ce jeudi, les eurodéputés devraient en fait se retirer, pour laisser le champ libre aux ONG et syndicats, d'Oxfam à la Confédération européenne des syndicats (CES).

via www.mediapart.fr

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