La toute récente nomination de William Daley, banquier transfuge de JP
Morgan, comme nouveau chief of staff de la Maison Blanche ne démentira pas
l'analyse de Joseph E. Stiglitz : en s'entourant de ceux qui sont
largement responsables de la crise, le président américain est passé à côté du «moment rooseveltien» qui s'offrait à lui, estime le prix Nobel
d'économie 2001 dans un entretien à Mediapart, accordé à l'occasion de son
passage à Paris pour la parution en poche de son dernier essai, Le Triomphe
de la cupidité (Actes Sud – Babel).
L'entretien vidéo en anglais (18 minutes)
La traduction écrite en français
Dans
quel état se trouve, en ce début 2011, l'économie mondiale ?La chose la
plus intéressante s'agissant du monde actuellement, c'est sa partition en deux.
La moitié du monde, l'Asie, les marchés émergents, se porte très bien,
remarquablement bien. L'autre moitié, l'Europe et l'Amérique, va très mal. Aux
Etats-Unis, le chômage persiste à près de 10%, tout comme le problème des prêts
immobiliers, le problème initial, qui continue de se poser au même rythme, on
en prévoit deux millions supplémentaires en plus des presque sept millions déjà
liquidés. Ce qui est donc remarquable, c'est la force du rebond des marchés
émergents et la faiblesse des pays industrialisés. A cela, il convient d'ajouter
deux autres facteurs. Le premier, c'est l'instabilité de l'euro, les problèmes
en Europe, en Grèce et en Irlande, qui soulèvent de grandes questions à propos
de l'une des principales devises. Et le second, c'est l'austérité. On espérait
une crise brève, une petite relance keynésienne apparaissant alors suffisante.
Ces deux diagnostics sont apparus totalement erronés, comme je l'ai noté dans
mon livre Le Triomphe de la cupidité. Malheureusement j'avais raison. Mais au
lieu de ça les dispositifs de relance ont été stoppés et remplacés par
l'austérité. Les perspectives sont donc assez déprimantes.Cette
partition du monde en deux résulte-t-elle de facteurs structurels ou des
politiques économiques élaborées depuis la récession ?Des deux. Ce n'est pas un hasard, je crois, que ce
soit la Chine qui ait mis en œuvre la relance la plus importante, rapportée à
la taille de son économie, en se concentrant sur les investissements qui vont
accroître la productivité à long terme. Ils ont pris des mesures beaucoup plus
efficaces que celles décidées aux Etats-Unis. Comme la Chine, les Etats-Unis
connaissent des problèmes structurels, mais en Chine la relance massive va
contribuer à résoudre ces problèmes, notamment à sortir d'une croissance fondée
sur les exportations, même si ce n'est pas encore le cas.
via www.mediapart.fr