Il suffisait, il suffit
de faire appel à la magie, et, pour J.K.Rowling, Harry Potter
est effectivement un petit magicien qui a résolu, à sa
manière, le problème alchimique, de la transformation
du plomb en or, tant ses droits d’auteurs sont devenus astronomiques.
Car, destinée à priori aux enfants, l’oeuvre qui veut
prolonger les contes de la petite enfance est structurellement
contrainte par le «besoin magique», ou, autrement dit,
par la réalité de la magie dans la conscience
enfantine. C’est ce que dit le point de vue «rationaliste»
lorsqu’il s’agit de comprendre les structures de la conscience, en
distinguant l’enfant animiste de l’adulte «rationnel».
Mais cette lecture rationaliste est illusoire et trompeuse, parce
qu’il faut ouvrir les yeux sur la continuité et la
transformation des croyances magiques et dans la magie, entre les
enfants et les adultes : ces derniers continuent de croire à
une réalité dans laquelle un certain type d’actions et
de connaissances «secrètes», réservées
à des initiés, permet de réussir, d’atteindre
des objectifs difficiles. Il suffit d’écouter les chantres du
libéralisme ou de l’ultra-libéralisme pour percevoir le
décalage historique des hérauts des forces magiques,
désormais revêtus de costumes-cravates, abonnés
aux flux d’information sur les flux chiffrés. Et il faut bien
dire que ces croyances d’adultes sont loin d’être
irrationnelles, puisqu’il y a des résultats dans la grande
machine de la Causalité – alors celles des enfants…
Toutefois, loin d’être un simple reflet d’une conscience
enfantine mondialisée, il faut aussi mesurer à quel
point Harry Potter constitue un conditionnement mental international
qui expose et entend renforcer les fondements de la culture sociale
anglaise, avec sa hiérarchie, ses codes, ses écoles
privées, … Et donc Harry Potter n’est pas qu’une oeuvre
littéraire, de fiction, pour l’amusement des enfants, mais une
oeuvre politique qui participe de la promotion et de la défense
des personnes et des références de la noblesse anglaise
et européenne. Est-ce cette synthèse d’arguments
commerciaux, la fiction "eumagique" avec la promotion de «valeurs
nobles» qui explique l’enthousiasme mercantilement organisé
pour Harry Potter ? Car il est fort probable que les parents
conditionnent largement leurs enfants, non pas d’une manière
directe («Tu dois lire Harry Potter ou tu seras privé de
dessert !», mais d’une manière indirecte, dans la mesure
où les parents expriment vers leurs enfants et à côté
de ceux-ci la croyance fondamentale dans leurs réussites,
celle, commune, du couple et de la famille, celle, de ce couple et de
cette famille par comparaison avec les autres, celle des riches que
le couple et la famille admirent, et des implications personnelles de
ces réussites, réservées à une «race
de seigneurs» (dixit Cecilia Sarkozy à propos de Rachida
Dati). Dès lors, Harry Potter serait une oeuvre de
conditionnement implicite et explicite, puisque, d’une certaine
manière, elle constitue un aveu des croyances et des volontés
de cette «noblesse» historique, anglaise et européenne,
et nouvelle, avec la grande bourgeoisie.
Le succès de l’oeuvre
signifierait bien que les classes moyennes occidentales acceptent de
vivre et de penser dans le cadre des références de
cette noblesse mondiale, de vivre et de penser que cette noblesse
mondiale mérite ses distinctions qu’elle s’auto-attribue,
mérite ses revenus, ses «richesses», et accepte
«l’ordre», tel quel, tel qu’il est – ce qui est bien
loin de l’esprit «magique» réel tant cet ordre
inclut une responsabilité dans le développement de la
pauvreté, dont proviennent fantômes et spectres qui
hantent encore les châteaux fortifiés des consciences
cultivées, déculpabilisées…
Bonjour,
déja lu dans Le Monde, il y a 2 ou 3 ans un article faisant état du libéralisme dans les Potter…
Je me fiche du fric que cela à rapporté à l’auteur et tant qu’elle n’a pas produit un huitième tome non prévu, je lui fais plutôt confiance sur ses intentions. Qu’une idéologie apparaissent dans des ouvrages littéraires me semble normal: Un auteur écrit avec et dans son époque. Nous, lecteurs comptemporains de l’oeuvre (pas de jugement littéraire dans l’emploi de ce terme!)faisons de même.Quand l’idéologie libérale aura disparu de nos vies (ou, hélas, de celles de nos enfants ou petits enfants), si les Potter sont encore lus, qu’y trouveront les lecteurs?
Déjà lu dans Le Monde ? Je ne l’ai pas lu, moi; et puis, même si d’autres ont écrit des choses similaires ou proches, cela ne m’interdit pas de le dire, car le Monde c’est une chose, L’action Littéraire, une autre, … Vous vous « fichez » du « fric » que cela rapporte à l’auteur ? C’est votre choix, votre droit, mais le fait que d’autres s’interrogent, c’est aussi leur choix et leur droit ! Car il faut bien constater que, même et à commencer par Madame Rowling elle-même, son Harry Potter est d’emblée un produit, quand on mesure avec quelle facilité elle a accepté les offres de déclinaison dans le « merchandising » ! : cinéma, jeux vidéos, …
« Qu’une idéologie apparaissent dans des ouvrages littéraires me semble normal: Un auteur écrit avec et dans son époque » – mais qu’une oeuvre paraisse et soit diffusée, comme si elle n’entendait pas véhiculer une idéologie, et, donc, en réalité, conditionner les esprits pour que, une fois adultes, ceux-ci la considèrent comme non seulement « normale », mais même comme la vérité elle-même – et on peut constater à quel point ces dernières années cette idéologie fait des progrès dans les consciences en France, alors même que ses abus, ses fautes, voire ses désastres s’accumulent. Evidemment, pour ce petit monde anglo-saxon, « noble » et extrêmement riche, tous les problèmes du monde se règlent à coup de… baguette magique, la livre sterling, pour laquelle ces gens d’affaires sont prêts à tout.
Bonne question : « Quand l’idéologie libérale aura disparu de nos vies (ou, hélas, de celles de nos enfants ou petits enfants), si les Potter sont encore lus, qu’y trouveront les lecteurs? »
il n’est pas du tout certain que l’oeuvre résiste au temps, et que, dans 20 ans, ces personnages ne paraissent, aux yeux mêmes des jeunes gens adorateurs, ridicules, surfaits, petits…
» Pour 55% des Français, être riche est « très important », d’après une étude de la TNS-Sofres.
C’est à partir d’une fortune personnelle de 1.5 million d’euros que les Français attribuent le qualificatif de « personne riche ». Mais pour faire fortune, les chemins diffèrent d’un individu à l’autre. En France, globalement, les mentalités jugent qu’être riche n’implique pas de grands sacrifices. »
A lire, autant pour l’exposé des « croyances » des Français concernant les différentes manières de devenir riche et d’en faire usage, que pour constater comment les phrases sont tournées pour véhiculer encore et encore cette idéologie – mais vous êtes au « Figaro », le journal qui insultait Jaurès avant le déclenchement de la guerre de 14…