Après les annonces de la semaine dernière, qui n'étaient qu'une reprise de mesures déjà dans les tuyaux, François Hollande a tenté de mettre en scène son autorité. Outre les mesures de moralisation de la vie publique, il a présenté ce mercredi tout un arsenal pour contrer la fraude et l'évasion fiscales. Sujets brûlants après le désastreux symbole du ministre censé mener la répression avouant qu'il possédait un compte caché, en Suisse puis à Singapour. Analyse de cette batterie d'annonces, qui prendront la forme d'un projet de loi, présenté le 24 avril en conseil des ministres.
Lutte conte la fraude fiscale
Le compte-rendu du conseil des ministres annonce un gonflement des effectifs « de la justice, de la police, et de l’administration fiscale pour lutter contre les fraudes fiscales les plus complexes et les réseaux de blanchiment ».
Renfort attendu : 50 enquêteurs de police judiciaire, 50 magistrats et 50 inspecteurs du fisc. L’annonce sera forcément reçue comme une bonne nouvelle par les principaux intéressés, mais aussi par tous ceux qui multiplient, ces derniers jours, les propositions pour muscler la lutte anti-fraude. Yan Galut, député PS du Cher et cofondateur de la gauche forte, a ainsi déposé lundi 8 avril une proposition de loi en ce sens avec une vingtaine de députés ; le parti socialiste a aussi examiné la question lors de son bureau national mardi 9 avril ; les Verts et le PCF ont annoncé leur intention de se saisir du sujet ; une mission d’information sur les paradis fiscaux est enfin en cours à l’Assemblée, sous la houlette d’Alain Bocquet (PC) et de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République). Tous appellent en choeur à renforcer les moyens disponibles.
« Un parquet spécialisé ayant une compétence nationale sur les affaires de grande corruption et de grande fraude fiscale sera créé ».
Cette mesure est accueillie plus que fraîchement par les syndicats de magistrats : ils soulignent qu’il existe déjà des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) et des pôles économiques et financiers dans la plupart des cours d’appel. « On ne voit pas l’intérêt d’un procureur national, et d’ailleurs sa création remet en question les attributions des JIRS et des pôles financiers », estime ainsi Virginie Duval, la secrétaire-générale de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), pour qui la question essentielle reste le manque de moyens dans les parquets financiers et chez les juges d’instruction.
Au Syndicat de la magistrature (SM, gauche), on est encore plus sévère. « Quelle pourra être l’indépendance de ce procureur national, alors que c’est toujours le pouvoir exécutif qui propose les nominations des procureurs au CSM, et non pas l’inverse ? » demande Françoise Martres, la présidente du SM. « Si, à l’avenir, ce procureur prend en charge toutes les questions touchant à la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière, et qu’il est nommé par le pouvoir, la situation sera même pire qu’avant. »
Surtout, ni le premier ministre ni le président n’ont évoqué un point clé, soulevé par tous les acteurs ayant phosphoré sur la lutte contre la fraude, y compris les deux organisations syndicales : l’actuel monopole de Bercy en matière de poursuites pénales. Seul le ministère du budget peut déclencher une procédure, en saisissant le parquet, après autorisation de la commission des infractions fiscales (CIF).
C’est une dérogation au droit commun (comme
via www.mediapart.fr