Dans les turbulences du scandale Cahuzac et à quelques encablures du premier anniversaire de l’accession de François Hollande à l’Élysée, notre confrère Laurent Mauduit, l’un des cofondateurs de Mediapart, publie un livre, L’Étrange Capitulation (Éditions Gawsewitch, 303 pages, 20,90€), qui éclaire la crise politique, et lance le débat : les citoyens qui ont voulu tourner la page du sarkozysme, pour en finir avec l’affairisme et la politique d’austérité, ne peuvent-ils pas éprouver aujourd’hui le sentiment légitime qu’on leur a volé leur victoire ?
Tenant la chronique des premiers mois du quinquennat de François Hollande, notre confrère prend L’Étrange Défaite de Marc Bloch comme fil conducteur de son récit. Car dans cet essai qui analyse la débâcle de juin 1940, le grand historien s’applique à démontrer que celle-ci est non pas une victoire allemande mais plutôt une défaite française. Une défaite due à l’arrogance et à la nullité de l’état-major mais aussi à la crise morale des élites françaises qui étaient déjà du côté des futurs vainqueurs, avant même la bataille. « Le pis est que nos adversaires y furent pour peu de choses », s’indigne Marc Bloch.
Jouant de cette comparaison, Laurent Mauduit fait valoir qu’un reproche similaire peut être adressé aujourd’hui à François Hollande et au gouvernement socialiste. Car si, dans le passé, les socialistes ont souvent rendu les armes ou se sont reniés, ils ont toujours, accédant au pouvoir, tenu certaines de leurs promesses et ont engagé de fortes réformes. Ce fut le cas en 1936 aussi bien qu’en 1981 ou encore, plus récemment, en 1997. Or, dans le cas présent, selon le constat qu’en dresse l’auteur, les socialistes, pour la première fois de leur histoire, ont rendu les armes avant même d’avoir combattu.
C’est ce que révèle la crise politique majeure actuelle qui ébranle jusqu’au sommet de l’État : l’affairisme et l’évasion fiscale, avec lesquels les Français voulaient en finir, perdurent. Et c’est ce que révèlent aussi les réformes engagées par le gouvernement socialiste : loin de protéger les salariés les plus modestes des effets ravageurs de la crise, elle leur en fait, le plus souvent, supporter le fardeau et prolonge le cap de la politique économique et sociale du quinquennat précédent. François Hollande avait promis que son ennemi, ce serait la finance, or elle est plus que jamais aujourd’hui aux commandes.
Voilà, en résumé, l’alerte lancée par l’ouvrage de Laurent Mauduit – dont on peut lire l’introduction sous l’onglet « Prolonger » : les socialistes sont en train de courir tout droit à l’échec, en tournant le dos à l’indispensable refondation démocratique qui serait nécessaire, et en refusant d’engager une nouvelle politique économique et sociale, plus conforme aux engagements de campagne du candidat socialiste.
Pour contribuer à l’indispensable débat que la crise appelle entre toutes les sensibilités de la gauche, ce constat sévère, nous avons donc estimé utile de le soumettre à tous les principaux dirigeants de la gauche, pour qu’ils réagissent : pour qu’ils disent s’ils y souscrivent, s’ils l’amendent ou s'ils le contestent. C'est l'invitation de ce livre : s'il tient la chronique de « l'étrange capitulation » de François Hollande et du gouvernement socialiste, c'est d'abord pour appeler à un sursaut.
En clair, alors que le plus souvent les principaux dirigeants des formations politiques de la gauche refusent de débattre publiquement entre eux, nous leur avons proposé une confrontation, à travers ce livre. Et presque tous les chefs de file de la gauche (lire notre “Boît
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