Un air de 1917?Dans la foule, les slogans sont à l'image de l'exaspération croissante de bon nombres d'Irlandais, qui se retrouvent à devoir rembourser à toute vitesse, et sous la menace d'institutions internationales, une dette publique colossale, en grande partie creusée par le sauvetage des banques. Parmi les formules les plus efficaces, «I'M F'ed» (littéralement, «je suis baisé», jeu de mots avec le sigle du FMI), «Brûlez les détenteurs d'obligations», «Non à la guerre contre les pauvres», «3, 6, 15 milliards, mais qui a voté pour ça?» (allusion au chiffrage des trois plans d'austérité annoncés depuis 2007), ou encore cet étudiant: «Désolé, j'ai pas 3000 euros pour la rentrée» (une hausse des frais d'inscription est prévue dès 2011).
Sur les quais, les pieds dans la neige boueuse, on distribue de faux quotidiens annonçant en Une la révolution de 1917. Edward sort du conservatoire d'art dramatique. Il est là pour «montrer au monde entier sa colère», et prouver que l'Irlande n'est pas seulement «passive» même si, au fond, «cette manifestation ne fera pas bouger le gouvernement».
© mp
Sont-ils tous, comme Edward, des marcheurs résignés? Ils savent, en tout cas, la fenêtre de tir très serrée. Le vote du budget à l'assemblée, qui prévoit six milliards d'euros d'économies pour 2011, est fixé au 7 décembre. Le FMI et l'UE devraient dévoiler, sans doute dès dimanche 28 novembre, les détails de leur accord de «sauvetage» de l'Irlande.
Pour contrer le vote du 7, certains appellent à la grève générale. D'autres, comme la plateforme Claiming our future, exhortent l'exécutif à avancer les élections anticipées prévues début 2011, afin que les Irlandais se prononcent sur le budget. Le premier ministre Brian Cowen ne cesse toutefois de répéter qu'il n'ira pas aux élections tant que le budget n'a été adopté, au nom de l'«intérêt national». A l'exception de l'extrême gauche, les partis d'opposition, globalement absents de la manifestation de samedi, critiquent le gouvernement, mais à demi-voix.
via www.mediapart.fr