Florence Gauthier, Dans le sang de la loi martiale, le drapeau rouge de la classe ouvrière – Le Canard Républicain

La Loi Le Chapelier fait partie de la loi martiale , voici comment.

Depuis la Grande Peur de juillet 1789, date de l’entrée du peuple sur la scène révolutionnaire, et qui cumula une immense jacquerie contre la seigneurie et une « révolution municipale » dans toutes les villes et communes rurales, la majorité des députés de l’Assemblée constituante prit peur, à son tour. Mais, cette majorité avait peur du peuple : elle tenta de le faire taire par le compromis de la Nuit du 4 août 1789 qui proclamait : « l’Assemblée abolit entièrement le régime féodal », mais qui éluda à plus tard son application…

L’Assemblée constituante voulait se donner des moyens pour réprimer le mouvement populaire et trouva un prétexte le 21 octobre 1789 : à Paris, une rixe devant une boulangerie lui permit d’intervenir et elle vota, dans l’heure qui suivait, la loi martiale, qui interdisait le non respect de la liberté du commerce des grains. On reconnaît ici la politique des économistes physiocrates et des turgotins, décrite dans mon article, en faveur de la spéculation à la hausse des prix des subsistances, politique qui fut reprise par le parti des économistes héritiers de Turgot, et qui avaient des soutiens dans l’Assemblée constituante.

La loi martiale fut ensuite régulièrement complétée. Le 23 février 1790, un complément visa les « troubles agraires » et le refus des perceptions des droits seigneuriaux et des impôts royaux. Puis, le 14 juin 1791 l’arsenal répressif fut complété par la Loi Le Chapelier dont l’objet était : « de prévenir … les coalitions que formeront les ouvriers pour faire augmenter le prix de la journée de travail [1]… », d’interdire le droit de réunion aux citoyens d’un même état, ainsi que le droit d’envoyer adresses et pétitions aux corps administratifs et municipaux, ou de s’exprimer par lettre circulaire ou affiche.

Cette loi qualifie ces attroupements de « séditieux » et autorise l’application de la loi martiale.

La loi martiale consiste à autoriser la force armée à déployer le drapeau rouge et proclamer la loi martiale par trois annonces orales successives, au su et au vu des « séditieux », et ensuite de faire feu sur eux.

Le 20 juillet 1791, juste après la fusillade du Champ-de-Mars qui fut une application très concrète de cette loi de sang sur une manifestation pacifique de Parisiens, une nouvelle version récapitulative de la loi martiale fut votée. Voici le détail des « attroupements séditieux » qui intègrent la Loi Le Chapelier :

« Art. 10. Les attroupements séditieux contre la perception des cens, redevances, agriers et champarts, contre celle des contributions publiques, contre la liberté absolue de la circulation des subsistances, des espèces d’or et d’argent ou toutes autres espèces monnayées, contre celle du travail et de l’industrie, ainsi que des conventions relatives au prix des salaires, seront dissipées par la gendarmerie nationale, les gardes soldées des villes… : les coupables seront saisis pour être jugés et punis selon la loi [2] »

On le voit, cette loi martiale récapitule ici toutes les formes d’expression du mouvement populaire, caractérisé par les jacqueries armées des paysans contre le régime féodal, les troubles de subsistances en réponse à « la guerre du blé », les réunions et grèves des ouvriers urbains et ruraux.

Qui était Le Chapelier ? Député à la Constituante et corapporteur de ces lois martiales avec Mirabeau, qui en fut le premier rédacteur le

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