la section des finances du Conseil d’État recommande au gouvernement d’abandonner son projet d’instaurer une taxe à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros et lui conseille de ne pas instaurer de taxation supérieure à 66,66 %. Elle suggère que cette taxation à 66,66 % s’applique non plus à chaque contribuable au-delà de 1 million d’euros, mais à chaque foyer fiscal à partir de 2 millions d’euros.
Spectaculaire, la suggestion revêt en fait une double importance. Elle constitue d’abord le point d’orgue d’une pantalonnade fiscale, puisqu’elle vient confirmer que l’on s’oriente à petits pas vers l’abandon de la promesse phare de François Hollande pendant la campagne présidentielle. Et puis surtout, elle constitue une nouvelle illustration d’une dérive antidémocratique à laquelle la France est en train de céder : une sorte de gouvernement des juges s’arroge de plus en plus souvent le droit de dire quelles doivent être les priorités de la politique économique et sociale française.
Pour l’heure, cette recommandation du Conseil d’État est certes à manier avec prudence, car elle émane de la section des finances de la juridiction. Cette analyse devait être ensuite validée ce jeudi par l'assemblée générale du Conseil d'État, avant d'être transmise au gouvernement. On ne sait donc pas encore dans le détail ce que décideront François Hollande et Jean-Marc Ayrault. « Le Conseil d'État en tant que tel ne s'est pas encore prononcé », a fait valoir la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. « Prenez ces informations pour de simples rumeurs, puisque c'est pour l'instant une section du Conseil d'État qui a travaillé. »
Il n’empêche ! Cette recommandation, même si elle n’est pas encore définitive, n’a rien de très surprenant. Car elle vient confirmer ce que l’on pressent depuis longtemps : d’une manière ou d’une autre, la « révolution fiscale », promise avant l’élection présidentielle par les socialistes, va lamentablement tourner court. C’était écrit de longue date. C’est la chronique d’un échec fiscal annoncé.
Pour mesurer le gâchis auquel conduit la politique fiscale menée aujourd’hui par François Hollande, il faut se souvenir de ce qu’étaient les ambitions socialistes. En fait, à l’origine, le parti socialiste a été très fortement influencé par les travaux de recherche de l’économiste Thomas Piketty. Dans un petit opuscule désormais fameux intitulé Pour une révolution fiscale, coécrit avec deux confrères, ce dernier faisait valoir que le système français était devenu gravement inégalitaire, puisqu’il est dégressif pour les très hauts revenus (lire Le petit livre rouge de la révolution fiscale). Et il avait en particulier produit ce graphique, qui avait fait sensation, puisqu’il apportait la preuve que, tous prélèvements confondus (impôt sur le revenu, CSG et cotisations sociales), les très riches étaient moins assujettis que les autres.
Pour corriger cette distorsion, Thomas Piketty avait donc suggéré, début 2011, que l’impôt sur le revenu, mité de toutes parts et assorti de trop de niches ou d’exemptions, soit purement et simplement supprimé. Et à la place, il avait proposé que la contribution sociale généralisée (CSG) devienne un impôt progressif. C’est cela, la « révolution fiscale » : revenir à l’esprit de
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