Documentaire. La classe où l’on apprend le français – Page 1 | Mediapart

Ils sont assis silencieusement sur le même banc, l’air un peu perdu au milieu du tumulte de la cour de récréation. L’année scolaire vient de commencer, ces enfants – venus des quatre coins du monde – n’ont pas de mots en commun. Grâce à leur professeur, Alain Gillier, ils vont en quelques mois, au sein d’une classe d’accueil pour élèves non francophones, apprendre le français. À la fin de l’année, ils rejoindront la classe qui correspond à leur âge, pour poursuivre normalement leur scolarité.

C’est à cette éclosion que nous permet d’assister la caméra d’Emmanuelle Godard et Hervé Kern. Tourné durant l’année scolaire 2010-2011 dans une école primaire de Bois-Colombes, leur film suit une classe de CLIN (Classe d'initiation pour non-francophones récemment rebaptisée UPE2A pour unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants). Une classe qui a accueilli, cette année-là, dix-huit enfants âgés de 5 à 11 ans en provenance d’Espagne, d’Ukraine, de la République démocratique du Congo, de Pologne, d’Équateur, du Brésil, du Sri Lanka, de Géorgie, d’Argentine, de Roumanie, du Maroc et de Côte d’Ivoire.

Près de 40 000 enfants sont dans cette situation chaque année, pour moitié dans le premier degré, pour moitié dans le secondaire, selon des chiffres issus d’un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale. Leurs conditions d’entrée sur le territoire n’ont souvent rien de commun. De l’élève britannique dont la famille est venue pour des raisons professionnelles à celui dont les parents sont réfugiés politiques tchétchènes, ces classes accueillent des profils très différents…

Dans le film, Djo, arrivé de République démocratique du Congo, raconte avec ses quelques mots des scènes de guerre. Il n’a pratiquement jamais été scolarisé (voir aussi notre boîte noire). L’école doit faire avec cette diversité. « Notre chance, c’est leur motivation », raconte Alain Gillier qui suit ce public depuis une trentaine d’années. « Ce sont des élèves qui ne sont jamais en retard. Jamais, pas cinq minutes. Une fois, j’avais oublié de donner des devoirs à un élève : il est venu me voir pour me le rappeler ! » 

La politique d’accueil des enfants nouvellement arrivés en France (ENAF) ou allophones s’est structurée à partir de la fin des années 1970 pour répondre aux nouveaux flux migratoires. Il y a tout juste un an, le ministère de l’éducation nationale publiait trois circulaires (lire ici) pour revitaliser cette politique. Il y avait urgence. En 2009, un rapport de l’inspection générale pointait ainsi les graves défaillances d’une politique tombée en déshérence, par désintérêt sans doute plus que par rejet.

En l’absence d’un véritable pilotage national, le bon fonctionnement de ces dispositifs dépend souvent de la bonne volonté des acteurs de terrain ou du soutien de la hiérarchie académique. Au total, les situations sont donc localement très contrastées. Selon les chiffres officiels du ministère, à Poitiers, moins de la moitié des primo-arrivants bénéficiaient d’un dispositif de soutien spécifique contre la totalité d'entre eux à Rouen. De plus, derrière ces statistiques, la prise en charge réelle de ces élèves est très variable. « Selon les moyens dégagés, les élèves ne sont en CLIN parfois qu’une heure et demie par semaine, cela n’a plus aucun sens », nous racontait récemment Élisabeth Gagneur, responsable du collectif lyonnais

via www.mediapart.fr

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