Le geste de Mme Merkel n’est bien sûr pas gratuit. En échange, celle-ci entend encore obtenir des assurances de la part du SPD. Par exemple celle du maintien ferme et définitif de la retraite à 67 ans. Les négociations entre les conservateurs et le SPD sur le salaire minimum s’achevant mardi prochain, Angela Merkel a précisé que son parti ferait tout pour limiter les effets négatifs sur l’emploi que l’introduction d’un tel salaire pourrait induire. Pour l’instant, la commission de négociation, qui réunit les chefs de parti, n’a pas décidé si le futur « Smic allemand » serait identique pour tous les secteurs d’activité, sur tout le territoire et d’un montant minimum de 8,50 euros de l’heure, comme le veulent les sociaux-démocrates.
L’annonce de la chancelière est un tournant important dans le long combat sur les salaires qui a démarré en 1995, après la dernière grande grève de l’IG Metall. À l’époque, l’Allemagne est considérée comme le « malade de l’Europe » et connaît déjà un chômage de masse. La grève déclenchée cette année-là par les métallos, pour obtenir une augmentation salariale de 6 %, part de la Bavière et s’étend vite à toute l’Allemagne. Pourtant, dans les nouveaux Länder, les troupes traînent des pieds. Une partie importante des ouvriers de la métallurgie comprend mal que leur syndicat revendique une telle augmentation en pleine crise. À tel point que le syndicat est obligé d’affréter des bus qui emmènent des métallos de l’Ouest pour assurer les piquets de grève dans les usines de l’Est.
Pendant ce temps, chez Volkswagen, où 20 000 emplois ont été maintenus grâce à l’introduction en 1993 de la fameuse « semaine de quatre jours », les syndicalistes admettent à mi-mots que l’entreprise ne pourra pas longtemps maintenir cette situation de sureffectifs qui pèse sur sa compétitivité. Cette grève, qui s’achève par une augmentation modeste, marque le début d’une longue période de modération salariale, d’abord forcée, puis acceptée par des syndicats affaiblis et dont les effectifs fondent comme neige au soleil. De 1991 à 2004, le nombre des adhérents des syndicats allemands passe ainsi de 12 à 6,5 millions
Au début des années 2000, rien n’y fait. La modération salariale et les réformes lancées par Gerhard Schröder pour faciliter l’adaptation des entreprises allemandes à la mondialisation n’empêchent pas la croissance du chômage : il culmine, en 2005, à 5 millions de chômeurs. En 2003, Schröder décide de lancer une réforme radicale du marché de l’emploi qui doit rendre le « travail plus intéressant que le chômage ». Il annonce alors le fameux Agenda 2010 qui, schématiquement, généralise le recours à l’intérim, crée les mini-jobs (jusqu’à 60 heures par mois pour un salaire de 400 euros par mois avec des cotisations sociales réduites). Il fusionne l’allocation chômage longue durée et l’aide sociale. La nouvelle et désormais célèbre allocation « Hartz IV » place alors les chômeurs sous une pression parfois insoutenable qui doit les motiver à rechercher un travail, quel qu’il soit.
« À l’époque, nous avions déjà proposé la création d’un salaire minimum universel. Mais il a été refusé par les conservateurs », se rappelle aujourd’hui Thomas Oppermann, secrétaire général du groupe parlementaire du SPD. En réalité, les syndicats sont également opposés à la création d’un Smic par la loi. À l’époque, ils y voient surtout une grave atteinte à leur monopole de négociation. Ils n’ont pas prévu que les réformes de l’Agenda 2010 vont être massivement utilisées par les patrons pour faire pression sur les salaires, flexibiliser l’emploi à l’extrême et faire reculer la négociation collective sectorielle au profit des accords d’entreprise.
Aujourd’hui, le résultat est là. L’Allemagne affiche des records à l’exportation et un taux de chômage spectaculairement bas (
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