Pensez-vous que la politique du gouvernement en matière de drogues soit archaïque ?
Anne Coppel : Je crois que la politique française fait partie des plus archaïques d'Europe en matière de drogues. Il y a eu un progrès constaté dans le domaine de la santé dans les années 1994/1995 sous l'impulsion de Simone Veil (alors ministre d'Etat, des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville).
Malheureusement, nous avons assisté à un triste retour en arrière à partir de 2003, puis en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. A ce moment, la France est revenue dans une logique de tolérance zéro, copiant le modèle pratiqué outre-Atlantique.
La guerre faite aux petits dealers de rue et aux consommateurs est devenue la priorité première du gouvernement, ce qui a conduit à une multiplication des arrestations et des incarcérations, accompagnée de peines planchers pour les récidivistes.
Aujourd'hui, les pratiques policières sont soumises à une évaluation chiffrée, ce qui a multiplié les interpellations pour usage de cannabis, beaucoup plus faciles à faire que la lutte contre les trafiquants. Il faut cependant bien comprendre que cette politique de tolérance zéro est impossible à appliquer si l'on considère que 12 millions de personnes ont déjà au moins consommé une fois du cannabis ! On ne peut mettre tout le monde en prison !
Qu'entendez-vous par « civiliser les drogues » ?
Il faut apprendre à vivre avec. Plus de la moitié de la population et 70% des adultes ont essayé au moins une fois le cannabis. Penser éradiquer les drogues est une utopie. On peut les limiter, c'est tout ! C'est certes un danger, un risque, mais au même titre que l'alcool qui est vendu légalement.
Il faut bien connaître les risques, faire appel à la responsabilité de chacun en débattant sur la consommation, l'autoproduction, la revente de drogues, plutôt que de se murer dans une politique répressive à outrance et qui n'est en fait que de la poudre aux yeux.
La réduction des risques passe inévitablement par une dépénalisation ?
Logiquement oui ! Réduire les risques veut dire accepter l'usage. On ne peut pas distribuer des seringues et refuser que l'on s'en serve.
Lorsque Simone Veil a mis en place un dispositif expérimental pour prévenir les risques liés à l'usage de la drogue (en distribuant des seringues et des produits de substitution), les résultats ont été bien au-delà que ce que l'on pouvait imaginer. Nous avons assisté à une baisse de 80% des overdoses mortelles et à une diminution radicale des contaminations par le VIH dues aux drogues.
Malheureusement, forts de cette expérience, les pouvoirs publics n'ont pas osé dépénaliser, et l'on est alors entré dans une politique de machine arrière irrationnelle et irréaliste.
La peur du gendarme ne fonctionne pas concernant les drogues. Dans les années 1970, les utilisateurs de drogue étaient des marginaux alors qu'aujourd'hui, la consommation de cannabis touche surtout les classes moyennes et la cocaïne ne se limite plus à la jet-set.
Que pensez-vous du tour de France de la prévention que réalise actuellement l'animateur Jean-Luc Delarue après avoir été arrêté en possession de cocaïne ?
Le pauvre, j'ai eu honte pour lui. Il s'est fait prendre la main dans le sac, mais un peu plus d'authenticité
via www.rue89.com