Le 13 juillet 2010, la Cour d'appel de Limoges, saisie par les sept petits-enfants de Louis Renault, a condamné le Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) à retirer de son exposition permanente (depuis 1999) une photo de l'industriel auprès d’Hitler et Göring, au salon de l’auto de Berlin de février 1939, leur montrant une Juvaquatre, accompagnée cette légende: «Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938 (sic) […] Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération»; et à payer 2.000 euros aux plaignants.
Les plaignants certifièrent, avec leurs deux principaux porte-parole, Hélène Renault-Dingli, et son mari «Laurent Dingli, historien», avoir agi pour des raisons strictement morales et grand-filiales.
La première (née en 1962), plaignante, a décrit dans Le Monde Magazine du 8 janvier 2011 la longue souffrance impuissante des petits-enfants du grand industriel, tous nés après sa mort, entre 1944 et 1976: «Au lycée, j'apprenais que j'étais la petite-fille d'un collabo. Cela m'était insupportable, mais je n'avais pas de preuves du contraire». Son demi-frère Louis (né en 1964) a rappelé la première tentative, avortée, en 2009, de faire condamner le centre d’Oradour-sur-Glane: «“C'était comme si le mal s'attaquait au bien. On passait pour des révisionnistes”, se souvient[-il]. Leur demande est rejetée», commentent Pascale Robert-Diard et Thomas Wieder, «au motif que “la vérité historique contemporaine considère que les usines Louis Renault collaborèrent à l'effort de guerre du Reich”».Selon Laurent Dingli, mari d’Hélène Renault, auteur d’une hagiographie de Louis Renault, il n’existe aucun lien organique entre le comportement de l’industriel avant et après juin 1940: sacrifiant à des réceptions officielles avec un pays qui n’était pas en guerre avec la France, ce pacifiste sincère, opposé à tout extrémisme, de gauche et de droite, n’aurait jamais financé les ligues fascistes. Sous l'Occupation, la contribution de la Société anonyme des Usines Renault (Saur) à l’économie de guerre allemande aurait été limitée et contrainte: «Jamais, explique-t-il, Louis Renault n'a accepté de fabriquer ni de réparer des chars pour les Allemands. Il n’a pas cédé à l'ultimatum de la Wehrmacht en août 1940. Si des chars ont été réparés, c'était dans des ateliers réquisitionnés par l'occupant.» C’est en effet sur ce point, affirmé par un arrêt de tribunal indulgent de 1949, que la Cour d'appel de Limoges a fondé celui du 13 juillet 2010: définir Louis Renault «comme l'incarnation de la collaboration industrielle» au moyen «d'une photo anachronique» pourvue d’une légende lui imputant une «inexacte activité de fabrication de chars» constitue une «véritable dénaturation des faits», créant «un lien historiquement infondé entre le rôle de Louis Renault pendant l'Occupation et les cruautés dont furent victimes les habitants d'Oradour-sur-Glane».
C’est sur le double registre de l’«héritage douloureux» d’un Louis Renault innocent, à réhabiliter, que s’est développée depuis janvier 2011 une vaste campagne médiatique. Ouverte par le Monde Magazine, elle a bénéficié du soutien réitéré d’une chaîne publique de télévision, France 2:
1) le 2 mars au journal télévisé de 20 heures, avec un «dossier de la rédaction» de près de 4 minutes intitulé «Louis Renault a-t-il collaboré?», question à laquelle n’ont été invités à répondre qu’Hélène Dingli-Renault et un historien non spécialiste de Renault, Julian Jackson. La première, par la négative, a même argué que Louis Renault aurait offert à la Résistance son fils s’il n’avait pas été unique. Le second a esquivé les faits en se demandant si Renault avait agi par motivation idéologique ou économique. L’accent a surtout été mis sur
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