La critique voire la dénonciation des impostures intellectuelles et médiatiques est une œuvre de salubrité publique. Mais sous prétexte qu’un intellectuel – en l’occurrence Pascal Boniface – pointe sa plume vers quelques-uns de nos adversaires les plus connus, devrait-on rester silencieux sur la méthode utilisée, quand celle-ci revient à reprendre nos travaux, en les déformant et sans les citer ?
Dans son livre que nous aurions aimé défendre [1], Pascal Boniface brosse le portrait de quelques intellectuels de télévision. Il s’intéresse en particulier à ceux qui s’expriment sur des sujets qu’il semble bien connaître : le Moyen-Orient, l’Islam, etc. [2] Et comme Boniface annonçait partout que « quatorze éditeurs » avait refusé d’éditer son manuscrit, aucun doute n’était permis : l’ouvrage devait être sulfureux. Pourtant, à la lecture de la quatrième de couverture et du sommaire, on a d’emblée un sentiment de déjà vu…
Un « travail rarement fait » ?
Dès les premières pages, la déception est grande. Arguant que personne ou presque ne se préoccupe de l’honnêteté intellectuelle de quelques « faussaires » qui envahissent les médias, l’auteur proclame dans son « Avant-propos » : « Le travail de recherche est très rarement fait. Il exige du temps et induit le risque de se faire des ennemis puissants. Celui qui dénoncera les mensonges d’intellectuels médiatiques n’aura pas toujours accès aux médias, ces derniers ne voulant pas se critiquer eux-mêmes ! J’ai longtemps hésité à rédiger cet ouvrage. En fait, j’ai attendu qu’un autre s’attelle à la tâche. » (p. 11)
« Un travail de recherche » ? Un « travail très rarement fait » ? Accompli après avoir, en vain, « attendu qu’un autre s’attelle à la tâche » ?
C’est oublier un peu vite que nous sommes nombreux à avoir entrepris depuis quinze ans ce labeur ingrat et nécessaire, sans trop se préoccuper, il est vrai, de notre improbable accès aux grands médias. Comment l’auteur d’un livre qui use (et abuse) de la première personne peut-il ignorer ou mépriser, à ce point le travail collectif effectué par Acrimed et des journaux comme PLPL (2000-2005) et Le Plan B (2006-2010), Les nouveaux chiens de garde, de Serge Halimi, les très nombreux articles publiés par Le Monde Diplomatique (mentionnés seulement à deux reprises) et les livres édités chez Agone sur ce sujet ?
Et pour nous en tenir à l’ouvrage le plus récent qui aborde le même thème, comment peut-on omettre de mentionner – simplement de mentionner ! – Les éditocrates d’Olivier Cyran, Mona Chollet, Sébastien Fontenelle et Mathias Reymond [3] publié il y a à peine un an et demi ?
Le simple fait que La Découverte – qui n’est pas vraiment une maison d’édition marginalisée ou subversive – ait édité Les éditocrates montre, même si les exceptions sont rares, que la critique des « intellectuels médiatiques » ne fait pas fuir tous les éditeurs pour peu que… l’ouvrage soit éditable ! Or le livre collectif édité par La Découverte prend notamment pour cibles Alexandre Adler, Bernard-Henri Lévy et Philippe Val qui bénéficient chacun d’un chapitre dans le livre de Pascal Boniface.
Enfin, pourquoi ne pas signaler les rubriques consacrées
via www.acrimed.org