Nous ne t'avons pas attendu
Nicolas, j'ai déjà dit dans cette Rue que, adhérent depuis peu, je quitterais la « coopérative » si tu étais désigné comme candidat à la présidentielle. Non, non, je ne suis pas de ceux qui glosent sur ton passé d'animateur et tout le reste. Je te reconnais tout à fait le droit de changer, de prendre conscience, de te convertir et de nous rejoindre dans la lutte contre le libéralisme et le productivisme comme tu le répètes dans cet entretien.
Nous, c'est-à dire toutes celles et tous ceux qui ne t'ont pas attendu pour militer contre l'injustice sociale et qui n'ont pas eu besoin de l'écologie pour prendre conscience de cette injustice depuis belle lurette, non pas vingt ans comme tu le dis mais trente, quarante, cinquante ans et plus.
Nous, c'est-à-dire celles et ceux dont l'éthique (j'entends par là la manière de se comporter au quotidien en fonction de certaines convictions que je dirais morales) et l'éthique seulement, les poussait à lutter quotidiennement sur leur lieu de travail et ailleurs contre l'injustice, simplement parce que l'injustice… c'est injuste et, ce faisant, révoltant. Et tu nous dis, là, comme un exploit de plus, que tu as « été écologiste depuis vingt ans » ! Et alors ?
Tu n'es pas un homme providentiel
Veux-tu que nous étalions tous nos états de service en faveur de la cause ? La cause de la justice sociale qui est éternelle si l'on peut dire et qui est rejointe aujourd'hui, ou depuis vingt ans si tu veux, en réalité depuis bien plus longtemps, par celle de l'écologie (un jour je te parlerai si tu veux de ces précurseurs que furent les militant(e)s des auberges de jeunesse).
Et voici que tu dis regretter ta modestie et que tu te vantes en ces termes ingénus : « J'ai été un efficace brise-glace dans la société. » Eh bien non, tu n'es pas un homme providentiel, si tu n'avais pas été là, les choses n'auraient pas été très différentes, sinon dans le détail du spectaculaire.
S'il n'y avait pas eu le pacte et le Grenelle il y aurait eu autre chose, il y aurait eu, il y a, cette nécessité de s'opposer à la course folle vers l'abîme. Face à cela, il importe que chacun prenne conscience de son insignifiance, la mienne comme la tienne, pour se joindre au combat collectif qui seul, le collectif, peut permettre de bifurquer et d'emprunter la voie, comme dit Morin.
Et tu en rajoutes : « Vingt ans de travail, vingt ans d'engagement, ça vaut certificat… » Eh bien non, ça ne vaut pas plus que le travail effectué depuis vingt, trente ou quarante ans par n'importe quel militant(e) qui se lève aux aurores pour, par des petits matins brumeux, se poster à une bouche de métro pour distribuer ses tracts, qui s'expose tout le jour sur son lieu de travail au risque de perdre un emploi grâce auquel il gagne moins de 2 000 euros par mois, qui le soir se réunit avec les copains jusqu'à pas d'heures et qui au petit matin…
Les militant(e)s n'ont pas obéi aux « stars » : bravo !
via www.rue89.com