Benoît Thieulin : « Nous pouvons basculer dans une société de surveillance totale » – Page 1 | Mediapart

Au lendemain du vote définitif du projet de loi de programmation militaire, Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique (CNNum) qui s'est saisi du dossier, revient sur l'adoption de ce texte, censé encadrer les écoutes administratives mais qui a déclenché un véritable tollé parmi les défenseurs des libertés numériques, ainsi que chez les acteurs économiques du secteur. Il appelle à un « vrai débat » sur les questions de surveillance et annonce le lancement d'une « concertation » visant à « nourrir » la  « future grande loi que Fleur Pellerin a annoncée pour 2014 ».

Lors de son institution, le CNNum était censé « irriguer » toutes les décisions du gouvernement dans le domaine du numérique. Or, sur ce texte et notamment sur l’article 13 qui traite directement des réseaux, vous avez été obligés de vous auto-saisir. Cela ne pose-t-il pas un problème de méthode ?

Benoît Thieulin.- Au-delà de sa capacité d'auto-saisine (qui ne peut être la règle, mais l'exception), le CNNum est saisi par n'importe quel membre du gouvernement. En effet, cela n'a pas été le cas pour la loi de programmation militaire (LPM). Qui plus est, l'article 13, comme vous le savez, est d'origine parlementaire. C'est aussi ce qui explique que la Cnil n'ait pas été saisie de cet article, mais simplement auditionnée. Ce qu'elle a déploré. 

Il y a, dans ce texte, des tensions contradictoires ce qui, vu le sujet, n'est pas anormal : lorsqu'on touche à des sujets dont les enjeux sont aussi stratégiques pour un pays que fondamentaux pour le droit des individus, il faut nécessairement viser à un équilibre entre protection individuelle (protéger les libertés de nos concitoyens) et protection globale (défendre les intérêts économiques et scientifiques de notre pays, mais aussi sa sécurité, sa souveraineté).

Ainsi, la LPM tente vraisemblablement de régulariser un certain nombre de pratiques avérées par les services de renseignements français (que Mediapart a contribué à révéler). Franchement, il est difficile de ne pas s'en réjouir, pas par simple principe, mais parce que c'est la seule manière pour la Cnil de pouvoir intervenir ; sans quoi elle doit faire la preuve de ces pratiques, autant dire que c'est peu probable… sauf à protéger davantage les lanceurs d'alerte. On y reviendra… 

Ensuite, on peut noter une louable volonté de rattrapage technologique. Nous sommes dans une guerre économique informationnelle : la compétitivité de notre pays, ça n'est pas que sa fiscalité ! C'est aussi et surtout sa capacité d'innovation, la maîtrise de ses datas de masse, etc. On ne peut d'un côté gémir sur la perte de compétitivité du pays, être les premiers à faire les valises pour Londres (avant c'était Koblenz…) et de l'autre déplorer que ce rattrapage ait lieu au sein de nos armées : n'oublions pas le rôle joué dans la révolution numérique que nous vivons par les gigantesques investissement réalisés, voilà 50 ans, par le Pentagone. La France n'a d'ailleurs pas été en reste dans ce mouvement. Sauf récemment. 

via www.mediapart.fr

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