Debout dans la rivière, des fillettes de 5 à 7 ans creusent des ridules au fil de l’eau à l’aide d’une calebasse. Avec leurs mains, elles filtrent l’eau. Tout à coup, Aïcha se met à crier. La fillette gracile a trouvé une pépite. De l’or. Elle le montre à ses sœurs. Chaque jour, de l’aube à la nuit, Aïcha glisse ainsi sa calebasse au fil de l’eau. À la recherche de l’or qui fait vivre sa famille. Elle aimerait bien aller à l’école. Mais elle n’y a jamais mis les pieds. « On m’a dit que c’est bien, mais mon père préfère que je cherche de l’or », explique Aïcha, un léger regret dans la voix.
Orpaillage dans la rivière. Les enfants sont les premiers à travailler.© (JCR)
Mais elle revient aussitôt à sa joie du moment et montre la particule d’or glissée dans sa main fine. Déjà prête à la vendre au plus offrant. Pourquoi pas au Blanc de passage ? Parfois, l’orpaillage de chacun de ces enfants de la région de Sélingué (200 kilomètres au sud-ouest de Bamako, près de la frontière guinéenne) peut rapporter 300 euros par mois. Une « belle somme » au Mali, l’un des pays les plus pauvres du monde. Alors, presque tous les cours d’eau sont peuplés d’enfants à la recherche de ces grammes d’or qui permettront à leurs parents d’acheter à manger.
Un chef de famille me confirme qu’il est hors de question d’envoyer sa fille chez l’instituteur. Il préfère qu’elle reste dans le lit de la rivière, sur ce site d’orpaillage situé à 50 kilomètres de la ville de Sélingué. Seuls des 4×4 ou des motos permettent de s’aventurer sur la piste de latérite gorgée d’eau qui permet d’y aboutir. « Elle me rapporte 300 euros par mois. Une petite bonne va gagner à peine 10 euros par mois à Bamako en travaillant de l’aube jusqu’à minuit. C’est beaucoup mieux de chercher l’or. Et je ne vais certainement pas envoyer mes filles à l’école, c’est beaucoup plus rentable de les faire travailler sur la rivière », explique-t-il en remerciant le ciel d’avoir déjà quatre filles sur le terrain.
Remontée des paniers de terre et de pierres des fonds des puits.© (JCR)
À quelques centaines de mètres de la rivière, des milliers de trous sont creusés dans le sol de latérite. De jeunes femmes tirent de toutes leurs forces sur d’épaisses cordes. Elles ramènent des sacs d’osier pleins de pierres et de terre qui seront concassées afin d’y trouver les précieuses pépites. Cette terre que des creuseurs, des hommes ou des enfants arrachent au cœur des tunnels rouges. Ils s’enfoncent dans des tunnels de terre, tout juste assez larges pour les laisser passer. Parfois ils parcourent en rampant plus de quarante mètres sous terre. Au moindre éboulement, ils risquent de mourir étouffés.
Ces mines artisanales ne disposent d’aucun étai. Il est interdit de les creuser et de les explorer pendant la saison des pluies. Pourtant, alors qu’elle a débuté depuis près de deux mois, des milliers d’hommes et de femmes sont là au travail, de jour comme de nuit. Les hommes sortent de terre en suffoquant, le visage couvert de terre rouge, de la latérite. De prime abord ils paraissent en sang, le visage tuméfié alors qu’il s’agit avant tout de terre mélangée à la sueur et à l
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