Dans le propos du ministre, on a ainsi d’abord la confirmation quand il évoque la réforme des retraites qu'une manipulation est en cours, puisqu’il promet aux chefs d’entreprise que la hausse des cotisations retraite leur sera intégralement compensée par une baisse des cotisations famille, dans le cadre de la prochaine réforme de la protection sociale.
Depuis que Jean-Marc Ayrault a annoncé sa réforme des retraites, on se doutait, certes, qu’il y avait un tour de bonneteau qui se préparait. Le premier ministre a en effet annoncé un relèvement de 0,3 point des cotisations retraite, pour les salariés comme pour les employeurs, soit 3,2 milliards d’euros de prélèvements en plus pour les uns comme pour les autres. Et on savait, précisément depuis la rencontre de lundi entre Jean-Marc Ayrault et Pierre Gattaz, que le patronat échapperait, au moins pour partie, à un prélèvement nouveau, puisque pour eux la hausse des cotisations retraite pourrait être en partie amortie par la baisse des cotisations famille.
Mais, devant l’université d’été du Medef, Pierre Moscovici est venu apporter aux patrons une nouvelle encore plus formidable que prévu : la hausse de leurs cotisations retraite « sera intégralement compensée par une baisse des cotisation famille ». En bref, la réforme des retraites sera intégralement à la charge des salariés. Puisqu’ils seront soumis, eux, à une hausse de leurs cotisations retraite ; et puisqu’ils devront, d’une manière ou d’une autre, faire les frais de la réforme du financement de la protection sociale (lire Retraites : vive le capital ! À bas le travail !).
Et il faut bien écouter comment Pierre Moscovici annonce cette disposition. Pas un mot à l’attention du monde du travail ; pas le moindre souci d’équilibre : c’est un discours 100 % patronal ! Pierre Moscovici s’est comme fondu au milieu de son auditoire, au milieu des petits patrons du Medef, comme s’il était l’un des leurs, indifférents aux questions d’équité ou de justice sociale.
Le propos devient encore plus stupéfiant quand Pierre Moscovici rappelle aux chefs d’entreprise que le gouvernement a par ailleurs décidé en leur faveur un « choc de compétitivité » de 20 milliards d’euros, sous la forme d’un crédit d’impôt. Car, le ministre des finances ne se borne pas à souligner de nouveau l’aspect le plus choquant du dispositif : le cadeau est « sans contrepartie ». Cela, on le savait déjà, et les chefs d’entreprise l’ont depuis longtemps compris : financé par les consommateurs, y compris les plus modestes, via notamment une hausse de la TVA, ce cadeau, les patrons pourront en faire ce qu’ils veulent, jusqu’à majorer les dividendes servis à leurs actionnaires.
Mais emporté par son élan, Pierre Moscovici en a dit plus aux chefs d’entreprise : il leur a aussi donné l’assurance que ce crédit d’impôt leur sera donné sans que l’administration des impôts n’aille vérifier si les procédures ne sont pas détournées. « Cette baisse, elle est sans contrepartie, elle est sans contrôle fiscal », a assuré le ministre des finances. Stupéfiant propos ! A-t-on déjà entendu, par le passé, un ministre des finances promettre que l’administration fiscale n’ira pas vérifier le respect des procédures et des règles de droit ?
Et pour finir, Pierre Moscovici a aussi promis, pour le court terme, d’autres « allégements intelligents » de la fiscalité des entreprises – on craint déjà le pire. Bref, le ministre des finances s’est surpassé. Et a reçu en retour des applaudissements qui étaient assurément bien mérités.
Pourquoi ce zèle, si appuyé qu’il en devient presque maladroit ? Pourquoi ce manque de subtilité ou de souci d’équilibre ? À tourner l
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