Quel est exactement le sujet du livre ? Voici comment il est présenté sur le site de l’auteur: "Le sujet du Camp des Saints est grave. Il s’agit de rien moins que de la fin du monde blanc, sous l’invasion des millions et des millions d’hommes affamés, qui constituent les trois quarts de l’humanité." Devant cette invasion pacifique, la France se décompose: éditorialistes inconscients et lâches, politiques inconsistants, militaires en débandade. A l'époque de sa parution, en 1973, il n'a pas fait grand bruit. Mais, au fur et à mesure de la crispation du débat sur l'immigration, il a été considéré comme un roman "visionnaire", par certaines franges de la droite, assure Le Point. Aujourd'hui, Raspail signe une préface intitulée Big Other, dans laquelle il s'efforce de montrer l'actualité de son roman. "C’est un texte allégorique, explique-t-il. Il s’agit d’une submersion continue, sur des années, dont nous ne mesurerons la catastrophique plénitude qu’au tournant 2045-2050, lorsque sera annoncé la basculement démographique final: en France, chez nos proches voisins, dans les zones urbanisées où vivent les deux tiers de la population, 50 des habitants de moins de 55 ans seront d’origine extra-européenne." Interviewé par Valeurs actuelles, il martèle: "Cette réédition revêt pour moi une importance plus haute que les précédentes car il me semble que le moment où elle s’inscrit est crucial. La vision développée dans le roman sera sans doute une réalité autour de 2050". Dans un interview au Figaro magazine, il précise sa pensée, fustigeant la "France métissée", "escroquerie historico-sémantique", pour un retour aux "Français de souche", différents de "l'autre", "celui qui n'appartient pas à notre religion, à notre culture, à tout ce qui est constitutif de notre civilisation, et dont la présence en masse va profondément modifier la structure de notre pays."
Comment, donc, expliquer le succès de cette réédition ?
Voici quelques extraits de ce tas d’immondices :
« Depuis le petit escalier donnant sur la ruelle, le jeune homme était arrivé sans bruir sur la terrasse. En jeans et baskets délavés, les cheveux longs, blonds et sales, l’aspect général négligé, le regard trahissant l’avachissement de l’âme, il représentait assez bien ces marginaux parasites que l’Europe avait secrétés par centaines de milliers et qui forment déjà en son sein, comme un cancer, une sorte de tiers monde volontaire. »
Les mêmes, heureux de voir débarquer les damnés de la terre, disent clairement comment, par une perversité ahurissante, ils en sont venus à préférer l’autre à celui qui leur est proche :
» C’est bon ! Demain, on ne reconnaîtra plus ce pays. Il va naître.
– Avez-vous vu ceux qui arrivent, ceux des bateaux ?
– Oui
– Et vous croyez que vous leur ressemblez ? vous avez la peau blanche. Vous êtes sans doute baptisé. Vous parlez français, avec l’accent d’ici. Vous avez peut-être des parents dans la région ?
– Et alors ? Ma famille, c’est celle qui débarque. Me voilà avec un million de frères, de sœurs, de pères, de mères et de fiancées. Je ferai un enfant à la première qui s’offrira, un enfant sombre, après quoi je ne me reconnaîtrai plus dans personne. «
« C’est chez vous, ici, que je conduirai les plus misérables, demain. Ils ne savent rien de ce que vous êtes, de ce que vous représentez. Votre univers n’a aucune signification pour eux. Ils ne chercheront pas à comprendre. Ils seront fatigués, ils auront froid. Ils feront du feu avec votre belle porte de chêne. Ils couvriront de caca votre terrasse (comme d’autres s’essuient le derrière, déjà, avec notre drapeau, ndlr) et s’essuieront les mains aux livres de votre bibliothèque. […] Chaque objet perdra le sens que vous lui attachiez, le beau ne sera plus beau, l’utile deviendra dérisoire et l’inutile, absurde. […] Cela va être formidable ! »
» Il se servit un large verre pour la soif et un autre pour le goût, conscient du superflu et s’en pourléchant avec un rien d’ostentation. Il coupa le jambon en tranches minces qu’il aligna joliment sur un plat d’étain, arrangea quelques olives, posa le fromage sur une feuille de vigne, les fruits dans un grand panier plat, puis il s’assit devant son souper et sourit, heureux. Il aimait. Comme tout amant comblé, il se retrouvait seul avec celle qu’il aimait. Ce soir-là, ce n’était pas une femme, ni même un être vivant, mais une sorte de projection de soi-même faite d’images innombrables auxquelles il s’identifiait. La fourchette d’argent, par exemple, aux dents usées, avec les initiales presque effacées d’une aïeule maternelle, un objet tout à fait étrange si l’on songe que l’Occident l’inventa par souci de dignité alors que le tiers des hommes plongent encore leurs mains dans ce qu’ils mangent. Le verre, cristal inutile, on en aligne quatre pour quoi faire ? Fallait-il vulgairement ne plus aligner de verres parce que le Sertao mourait de soif ou que l’Inde avalait le typhus avec la boue de ses puits taris ? Les cocus peuvent frapper à la porte, menacer, se venger, en amour on ne partage pas et l’on se moque du reste du monde : en fait, il n’existe pas. Les cocus du bonheur s’avançaient par milliers ? Parfait ! «
« Des larmes lui venaient parfois, larmes de joie. Tout racontait, dans cette maison, la dignité de ceux qui l’avaient habitée, leur mesure, leur savoir discret, leur modestie, leur goût des traditions sûres que les hommes savent se transmettre s’ils n’ont pas cessé de s’estimer. L’âme du vieux monsieur habitait aussi les vieux livres reliés, les bancs paysans, la vierge de bois, les grands fauteuils cannés, les tommettes du sol, les poutres du plafond, le Christ d’ivoire barré d’un buis séché et cent autres objets… Les objets façonnent l’homme mieux que jeu des Idées, c’est pourquoi l’Occident en était venu à se mépriser et se jetait en troupeau sur les routes, fuyant vers le nord, sans doute vaguement conscient qu’il s’était déjà perdu en sécrétant trop de laideurs qui ne valaient même plus la peine d’être défendues. Peut-être était-ce aussi une explication ? «
» La pitié ! La déplorable, l’exécrable, la haïssable pitié ! Vous l’appelez charité, solidarité, conscience universelle, mais lorsque je vous regarde, je ne distingue en chacun de vous que mépris de vous-même et de ce que vous représentez. Et d’ailleurs, qu’est-ce que cela veut dire et où cela nous mène-t-il ? Il faut être fou, ou désespéré, pour admettre, comme vous le faites, toutes les conséquences en chaîne de votre complaisante pitié. […] Vous êtes allés trop loin, et vous l’avez fait volontairement car vous pensez profondément tout ce que vous faites. Savez-vous combien d’enfants vous avez envoyés en Belgique ? Je ne parle même pas de l’Europe dont certains pays plus lucides ont fermé leurs frontières avant nous. Quarante mille, en cinq ans ! Tout cela en pariant sur la sensibilité que vous avez dévoyée des braves gens de chez nous, en leur inculquant je ne sais quel remords pour plier la charité chrétienne à vos étranges volontés, en accablant nos classes moyennes prospères de complexes dégradants. Quarante mille ! Les Canadiens français n’étaient pas plus nombreux au milieu du XVIIIe siècle. Vous avez créé de toutes pièces au cœur de notre monde blanc un problème racial qui le détruira et c’est là votre but. Aucun de nous n’a la fierté de sa peau blanche et de ce qu’elle signifie. »
» C’est ce que la Gauche n’a jamais compris et c’est pourquoi elle n’est que dérision haineuse. Quand elle crache sur le drapeau, pisse sur la flamme du souvenir, ricane au passage des vieux schnocks à béret, pour ne citer que des actions élémentaires, elle le fait d’une façon épouvantablement sérieuse, « conne » dirait-elle si elle pouvait se juger. La vraie Droite n’est pas sérieuse. C’est pourquoi la Gauche la hait, un peu comme un bourreau haïrait un supplicié qui rit et se moque avant de mourir. La Gauche est un incendie qui dévore et consume sombrement. »