"Appelle-moi Olympe" est une pièce de théâtre écrite par Sophie Mousset, publiée aux Editions de l'Aube. La sortie de résidence a eu lieu hier soir, à la Grange, de Lamothe Landerron, avec Magali Herbinger et Mathias Maréchal, pour incarner Olympe de Gouges et Maximilien de Robespierre, dans une mise en scène de Jean-Claude Falet, fondateur de la Compagnie Label Etoile.
Sophie Mousset a rédigé un dialogue, à partir des propos, écrits, oraux, connus, attribués à celui que les manuels scolaires et magazines de la propagande thermidorienne continuent de lier à "la Terreur" et à celle qui a fait partie des guillotinés entre 1793 et 1794, au rang desquels se trouve aussi Robespierre, assassiné par ceux qui voulaient mettre fin à la Révolution… révolutionnaire. Cette pièce ne propose pas un cours d'Histoire, mais laisse entendre que Robespierre aurait eu une responsabilité dans la condamnation d'Olympe de Gouges. Les connaissances historiques actuelles n'attestent en rien cette possibilité, d'autant que nous avons de plus en plus de connaissances qui indiquent que Robespierre a tenté à plusieurs reprises et de différentes manières, tenté d'opposer une force à la logigue de la Terreur, a engagé des actions et des hommes pour sauver des hommes et des femmes menacés par cette même force. Il n'était pas membre du Tribunal Révolutionnaire, ni du Comité de sûreté générale, la principale organisation responsable de la Terreur. Olympe de Gouges a participé à la stigmatisation de Robespierre, en l'accusant de vouloir devenir "dictateur". Cette stigmatisation/focalisation a été utilisée par les ennemis de Robespierre qui ont diffusé les "hoax" de l'époque, ces rumeurs mensongères qui avaient pour but de diminuer le soutien social dont il bénéficiait. L'un et l'autre ont donc été victimes d'une trahison de la Révolution, de ses principes fondamentaux ("les Droits"), de son organisation. Robespierre a été l'un des premiers hommes politiques à défendre l'abolition de la peine de mort, et comme par hasard, ses opposant s'y sont… opposés ! ce qui fut bien pratique lorsqu'ils se liguèrent pour le faire assassiner, "légalement". Si sa proposition avait été entendue, Olympe de Gouges aurait donc eu la vie sauve. Olympe de Gouges et Robespierre ne furent donc pas des ennemis, mais ils ne surent pas être des amis. Si la Révolution a pu se "glacer", c'est en raison de cette logique individualiste dans laquelle les dirigeants et les citoyens influents se sont enfermés, notamment dans la production textuelle. Le dialogue est passé après le monologue. Or c'est le dialogue qui gagne toujours, et, si ce n'est immédiatement, c'est alors à moyen ou long terme. Ce que Olympe de Gouges a défendu et ce que Robespierre a défendu a fini par se rencontrer : dans le projet communiste, au 20ème siècle, qui aura été un projet féministe, anticolonialiste, déterminé par le souci d'une égalité réelle des citoyens et des travailleurs, dans les luttes et les débats actuels entre celles et ceux qui continuent de mettre en cause les formes actualisées de l'esclavage, du patriarcat prolongé. Il y a donc des "ruses" dans l'Histoire : si celles et ceux qui auraient pu et dû se parler ne le font pas, l'Histoire humaine postérieure le réalise, et cette pièce en est l'incarnation réalisée, un certain bonheur qui se ne refuse pas. Olympe de Gouges s'entête à faire entendre à Robespierre ce que, tout "'révolutionnaire radical" qu'il fut, son entendement ne parvenait pas à… entendre, alors qu'un Choderlos de Laclos avait envisagé plus sérieusement et profondément le projet de "l'éducation des femmes" et de ses conséquences, alors qu'un Platon aurait dû le conduire à penser à cette égalité de compétences, talents, et donc de fonctions dans une cité "vertueuse". Et Robespierre a eu raison de lui répondre que les urgences de la situation française entre 1792 et 1794 pouvaient nécessiter de décaler des projets importants, le temps de consolider la puissance nationale et la République. Il lui a demandé un soutien qu'elle s'est obstinée à lui refuser. Leurs ennemis communs s'en sont réjouis.
La pièce sera interprétée prochainement à Montauban, ville natale d'Olympe de Gouges, née Gouze, avant d'autres lieux et dates (cf le site de la Compagnie). Magali Herbinger et Mathias Maréchal font entendre la parole de l'un et de l'autre, avec retenue et ferveur à la fois.
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Une sélection parmi les notes consacrées à la Révolution et à Robespierre :