« Je n’y assisterai pas, et ce sera le cas de pas mal de mes collègues. » Un peu avant 15 heures, mercredi, le député UMP Jean-Frédéric Poisson annonçait la couleur. Quelques minutes plus tard, ils n’étaient en effet que 55 députés UMP sur 196 à assister au discours du président tunisien Moncef Marzouki. Les personnalités du gouvernement Sarkozy avaient déserté, à commencer par l’ancien ministre François Fillon. Peut-être parce qu’ils se doutaient qu’à la tribune, cet ancien opposant sous Ben Ali longtemps réfugié politique en France, allait rappeler les complicités d’une partie de la France officielle en Tunisie. Ce qu’il n’a pas manqué de faire.
« Obnubilée par des intérêts immédiats, une fraction de la France officielle a soutenu la dictature qui nous a opprimés », rappelle d’emblée Moncef Marzouki. Et de poursuivre : « Mais la part majeure, la part essentielle de la France, la France des élus locaux, celle des partis et des syndicats, des organisations de la société civile, la France des médias, la France des intellectuels et des artistes, la France des simples citoyens, la France qui m’a donné asile ainsi qu’à de nombreux Tunisiens, cette France que nous aimons et respectons, cette France-là ne nous a jamais fait défaut. Elle nous a soutenus autant qu’elle le pouvait et accompagnés aussi loin que possible jusqu’à la chute du tyran. À cette France, à la France, à vous tous, le devoir de reconnaissance me commande d’exprimer ici ma gratitude et mon affection. » Aucun des députés de l’UMP n’applaudit. La gêne est palpable.
Le discours de Moncef Marzouki devant l'Assemblée (à partir de la 16e minute) :
Cette visite était très symbolique. L’Assemblée n’avait pas invité de dirigeant étranger à s’exprimer devant les députés depuis 2006. Surtout, la France n’a guère brillé par sa promptitude à soutenir la révolution tunisienne de janvier 2011. Une partie des élites politiques, mais aussi économiques et médiatiques, a soutenu l’ancien président Ben Ali jusqu’au bout. Trois jours avant le départ du despote, au pouvoir depuis 1987, la ministre des affaires étrangères Michèle Alliot-Marie proposait même l’assistance de la France en matière policière. Quelques semaines plus tard, on apprenait qu’elle avait passé ses vacances de Noël en Tunisie, à l’invitation d’un proche du régime, et que ses parents y avaient même fait affaire. (Lire notre dossier : “MAM et POM en Afrique, le voyage de trop”)
Au nom du modernisme supposé du régime, de la lutte contre l’islamisme ou d’intérêts économiques bien compris, une grande partie de la droite a défendu Ben Ali. De même que certaines personnalités de gauche. « Nous nous sommes un peu laissés intoxiquer par ceux qui disaient que les régimes autoritaires sont le meilleur rempart contre l’islamisme », admettait Alain Juppé en août 2011. Mercredi, l’ancienne ministre socialiste Elisabeth Guigou, qui se rendait régulièrement dans la Tunisie de Ben Ali – pour des colloques ou en vacances, y compris en juillet 2010, dans le même hôtel que MAM, à Tabarka –, se livrait à nouveau à un mea culpa collectif. « Il y a eu une sorte d’aveuglement. Nous nous doutions du caractère policier de ce régime, mais nous n’avions pas mesuré l’ampleur de la concussion et de la prison. » Du reste, le RCD, le parti de Ben Ali, est resté jusqu’à la révolution membre de l’internationale socialiste, et le PS a sou
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