L’exploitation agricole que le groupe de BTP Ramery développe aujourd’hui dans la Somme convoque une rencontre du troisième type : d’un côté, la traditionnelle activité de production laitière, emblématique de la paysannerie française, et de l’autre, l’échelle industrielle et la culture de la maximalisation des profits. « Si c’est un gros mot de dire qu’on fait cette ferme pour gagner de l’argent… », ironise Michel Welter, directeur du projet pour Ramery, et lui-même ancien agriculteur, pour qui « l’intérêt, c’est de garder de la valeur ajoutée dans le département. C’est un projet économique global. Est-ce qu’on peut se priver de la ressource économique et de la rentrée de devises que peut être l’agriculture ? ». Le groupe prévoit de traire la première vache d’ici huit à dix mois, soit d’ici l’été prochain, et de salarier quinze personnes pour s’en occuper.
Alors que le secteur laitier peine à se sortir d’une crise endémique, et que Jean-Marc Ayrault est attendu le 12 septembre au salon de la production agricole (Space), à Rennes, la « ferme des mille vaches » cristallise les passions. Une coalition inédite de riverains, d’écologistes et de militants de la Confédération paysanne dénonce « l’usine des mille vaches » et l’industrialisation de l’agriculture. « Au début, je n’étais pas contre, cela pouvait donner du boulot au village », raconte le président de l’association Novissen, Michel Kfoury, médecin. Mais après étude du dossier, lors de l’enquête publique, il s’inquiète des effets sanitaires de l’élevage de masse, dangereux en cas d’épizootie, et du ballet de camions chargeant et déchargeant le lisier et les déchets verts destinés au méthaniseur : « 40 % de la surface d’épandage se trouve au-delà de 25 km du centre de la ferme. »
Affiche célébrant les 40 ans du groupe Ramery, en 2012.
Le trafic lié à l’activité laitière représentera en moyenne deux camions et quinze véhicules utilitaires par jour. Il y a aussi l’enjeu de l’eau : le pompage a déjà été interdit dans le passé en certains endroits à cause de la présence excessive de pesticides. « C’est ce qui nous inquiète le plus. » L’élevage de mille vaches nécessiterait 40 000 mètres cubes par an. « L’enjeu majeur du projet est la protection de la qualité des eaux superficielles et souterraines en lien avec le site d’élevage intensif », analyse l’Autorité environnementale.
Maire de Drucat, 900 habitants, la commune concernée par le méthaniseur, Henri Gauret se soucie, lui, de la proximité de la ferme avec les premières maisons de l'agglomération, à 600 mètres environ : « S’il y a de l’odeur, des mouches, des insectes, ce sera pour nous. » Les surfaces bâties et bitumées s’étendront sur 7,5 hectares. C’est la plus grosse ferme jamais construite en France.
Une manifestation doit se tenir le 12 septembre. La Confédération paysanne veut l’ériger en cause de mobilisation nationale, alors que l’Union européenne vient d’entériner la réforme de la politique agricole commune (PAC) et que doit maintenant se discuter sa mise en œuvre à l’échelon national.
Pour Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture, même si ce projet ne correspond pas à ses priorités, il « s’appuie sur des méthodes et technologies innovantes, dont les résultats, s’ils sont vérifiés, pourraient être exploité
via www.mediapart.fr