Après onze ans au CCF, dans la « gestion de portefeuilles de clientèle non résidente », issue « surtout du Maghreb et du Moyen-Orient », Hervé Dreyfus a rejoint Raymond James « fin 1993-début 1994 », pour gérer l’argent de clients résidents français. Sur les 180 particuliers ayant consacré tout ou partie de leur patrimoine financier à la société, il s’occupe directement de 75 personnes, a-t-il indiqué. Il y a tous types de profils : « Des enfants ayant hérité de leur grand-mère, des professions libérales, des chefs d’entreprise, des femmes divorcées qui ont touché un petit capital… » Leur fortune moyenne s’établirait entre 150 000 et 250 000 euros, mais les sommes gérées pour chacun vont de 20 000 euros à plusieurs millions.
Face aux sénateurs, Dreyfus a tenu une seule et même ligne : « Moi, je ne fais que de la gestion de portefeuille », « l’aménagement du patrimoine d’un client, ce n’est pas mon domaine », « je suis simplement le technicien de la gestion ». Et en aucun cas le décideur, a-t-il assuré plusieurs fois. Sa fonction serait bien moins stratégique que celle d’un notaire ou d’un avocat spécialisé.
Pour gérer les fonds qui lui sont confiés, Raymond James « laisse ouverte aux équipes la possibilité de coopérer avec d’autres professionnels », partout dans le monde, mais seulement dans le but d'« aller chercher le bon gérant sur le Japon, le bon gérant sur le marché obligataire, le bon gérant sur le Brésil »… « Je peux utiliser une banque anglaise, une banque suisse, a détaillé Dreyfus… Ce n’est pas un secret, on a utilisé les compétences sur les pays émergents de la banque de mon frère. Et pour le secteur pétrolier, on a utilisé une banque anglaise. »
Il aurait donc fait son marché uniquement en fonction des compétences de ses contacts internationaux. Pourtant, selon plusieurs témoignages, il aurait aussi fait office d’apporteur d’affaires officieux pour Reyl, en mettant la banque suisse en contact avec des Français désireux de placer discrètement leur argent à Genève. Sans être interrogé directement sur ces éléments, le gestionnaire de fortune a pris les devants. « Le seul reproche qu’on peut me faire, c’est que je suis quelqu’un de très prudent dans ma gestion, a-t-il avancé. Je n’ai jamais investi dans des produits qui pouvaient se retrouver dans des banques offshore. Il y a une telle opacité que jamais on ne touche à ça. » Jouer avec des « produits toxiques, opaques » serait prendre « des risques inconsidérés ».
Dreyfus a aussi souligné que l’origine des fonds de ses clients était systématiquement vérifiée et que sa petite société comptait dans ses rangs un contrôleur interne employé à plein temps. Il s’est surtout dépeint sous les traits d’un banal conseiller financier, qui propose des PEA et des contrats d’assurance-vie. Quelle différence, alors, avec les conseillers de La Banque postale, a demandé la Verte Corinne Bouchoux ? La disponibilité, a-t-il répondu sans ciller. Son téléphone portable serait joignable 24 heures sur 24 pour ses heureux clients, qui verraient là son principal atout…
Le frère de Cahuzac, auditionné le même jour
via www.mediapart.fr