Dans les peuples, les bavardages quotidiens, inspirés par "l'actualité", par des rêves, par les soucis matériels, par des choses profondes ou extraordinairement superficielles, vont et viennent, avec leurs "modes". Des obsessions apparaissent, se fixent, et disparaissent, après que des réponses, sérieuses ou non, leur aient été apportées. Celui ou celle qui s'intéresse à "ce qui fait débat", en France, en 2014, aura appris que "le grand remplacement" en serait l'un des thèmes. Et cette formule, ce "thème", aurait atteint jusqu'aux cerveaux les plus remarquables de la France de 2014, comme l'inénarrable Eric Zemmour (au cas où le lecteur ne comprendrait pas que cette phrase est ironique, précisons le). Est-ce que ce "grand remplacement" laisserait entendre que les éditocrates dont il est l'un des membres les plus actifs seraient en passe d'être remplacés ? Il y aurait beaucoup de joie en perspective. Mais non. Le "grand remplacement" suppose qu'un peuple disparaisse, qu'un autre se substitue à lui. Mais qui parle tant de ce "grand remplacement" ? Ce sont les cercles d'extrême-droite qui, nous dit-on, alimentent le creuset phosphorescent de leurs fantasmes avec. Et qui serait remplacé par qui ? Le "peuple français" serait amené à être remplacé par un autre peuple – et qui ? On vous le donne en mille : les musulmans. Une fois de plus, il est étrange de constater à quel point la perception et la description du peuple français par certains de ses membres sont étonnamment marquées par le sceau de la faiblesse : le peuple français aurait bien du mal à résister à son "grand remplacement", comme si une telle substitution pouvait se faire aisément. En outre, il est fascinant de voir que ce sont dans ces cercles qu'un tel débat les agite, alors que c'est en effet dans ces cercles que s'est formulé le projet du "grand remplacement" d'un peuple par un autre, à savoir le génocide juif par les Nazis (au passage, rappelons-le : ici, le Point Godwin n'est pas reconnu comme un critère pertinent d'évaluation et de critique des échanges intellectuels). Et les criminels ont failli réussir. Le "peuple français" est-il menacé d'un tel projet par des personnes, notamment "musulmanes" ? Ce projet de domination du monde/élimination d'un autre peuple ou de plusieurs ne concerne que quelques cerveaux profondément malades. Les Nazis l'ont eu : ils l'ont porté, mis en oeuvre, APRES L AVOIR ENONCE. Les Hutus l'ont eu, envers les Tutsi : ils l'ont porté, mis en oeuvre, APRES L AVOIR ENONCE. Dans le monde actuel, à notre connaissance, il n'y a que le groupe DAESH qui porte un tel projet : il ne vise pas particulièrement les Français, mais l'ensemble des peuples du monde. Mais à la différence des Nazis et des Hutus, les membres de ce groupe sont numériquement si faibles au regard de celles et ceux qu'ils menacent que ce projet ne peut en aucun cas être mis en oeuvre et réussir – même si, hélas, celles et ceux qui se trouvent dans leur proximité, Kurdes, Yezidis, Syriens, en subissent la folie criminelle. Evidemment, les chantres de cette "menace apocalyptique" (parce que les membres de ces cercles sont manichéens et croyants dans "l'apocalypse", comme les membres de Daesh !), extrémistes de droite, répondraient que, évidemment, cette substitution ne se fera pas par la guerre, mais par la "reproduction". La démographie des uns deviendra telle que les autres, marqués par une reproduction trop faible, seront "remplacés". Il s'agit là d'un fantasme qui méprise les lois physiques de la biologie ET les comportements sociologiques et culturels qui caractérisent notre pays. Il n'y aura pas ainsi de "grand remplacement", en tout cas "pour", contre le peuple français. Dans l'Histoire, de telles substitutions/disparitions ont existé. Les Grecs antiques ont disparu, malgré l'avertissement platonicien. Ils n'ont pas totalement disparu : leur culture rayonne encore, et leurs enfants sont devenus des parents qui ont eu à leur tour des enfants, et aujourd'hui, des hommes, des femmes, de notre monde, en sont les descendants (plus exactement les "montants"), sans le savoir. Leur "disparition" renvoie à une multitude de facteurs : la perte de leur souveraineté, la domination romaine et l'effondrement de l'empire romain. D'autres peuples ont eux entièrement disparu ou quasiment : les peuples du "nouveau monde", confrontés aux conquistadors espagnols, aux colons portugais et européens, n'ont pas résisté au "cocktail" de l'esclavage et des maladies européennes. Les Européens, DE CE POINT DE VUE LA, sont des "champions" du "grand remplacement", qu'ils ont réalisé contre d'autres peuples, et il est donc fascinant de voir que c'est dans la frange la plus pro-colonialiste, la plus favorable aux violences contre les autres peuples et les minorités, que cette crainte est si vive. Il faut bien que les conséquences de LEUR violence deviennent aussi une part, certes, déformée, de leur conscience. Mais il existe enfin une autre forme de "grand remplacement" qui devrait les inquiéter et qui, hélas, comme les criminels de Daesh qui les obsèdent (et à qui, pourtant, ils ressemblent tant, par leurs croyances "religieuses", par leurs dogmes sociaux, patriarcaux, par leur goût partagé pour la violence), c'est celle du remplacement de l'Humanité par des cafards : en effet, c'est ce que nous prédisent les scientifiques, eu égard au risque nucléaire, celui, provoqué, par une guerre mondiale. Or, eu égard à celle-ci, ces chantres du "grand remplacement" sont plutôt des agents actifs qui en favorisent les conditions de possibilité, et non des opposants déterminés. La vie n'en est pas à un paradoxe près.
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