«Si tu avais un accès inouï à des informations classées secrètes quatorze heures par jour, sept jours sur sept pendant plus de huit mois, que ferais-tu?» De Bagdad, le soldat Bradley Manning, 23 ans, analyste de données pour l'armée américaine en Irak, tchatte, ce 21 mai 2010, avec Adrian Lamo, hacker de 30 ans, célèbre pour s'être introduit dans les systèmes informatiques de Microsoft ou du New York Times.
Sauf qu'au moment où Bradley Manning écrit cela, il suggère ce qu'il devrait probablement taire: le fait qu'il est – peut-être – la source de la plus grande fuite de l'histoire du renseignement, les Afghan War Logs, puis les Iraq War Logs et enfin le Cablegate diffusé par WikiLeaks. Dès juin 2010, l'armée américaine le met aux arrêts au Koweït sans charges. Puis, fin juillet, il est transféré à Quantico, en Virginie, où il attend de comparaître devant la cour martiale.
Début mars, il est inculpé de vingt-deux nouveaux chefs d'accusation (douze lui avaient été déjà signifiés), dont celui de «collusion avec l'ennemi». Son avocat riposte en dénonçant ses conditions de détention et en portant plainte. WikiLeaks, qui n'a bien sûr jamais rendu publiques ses sources, voit dans l'accusation de «collusion avec l'ennemi, une agression revancharde visant Manning parce qu'il exerce son droit à garder le silence». Aux Etats-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons, des campagnes sont organisées qui demandent la libération du jeune soldat tout en dénonçant les multiples crimes de guerre de l'armée américaine en Irak et en Afghanistan.
Le soldat est détenu dans des conditions de confinement qualifiées d'«inhumaines» qui relèvent de la pression psychologique, tandis qu'un de ses avocats vient de révéler qu'il était forcé de rester nu pendant des heures dans sa cellule. Parmi les charges retenues contre lui, certaines l'exposent directement à être condamné à la peine de mort.
Arrêté le 26 mai 2010, après qu'Adrian Lamo l'a livré au
FBI de peur d'être soupçonné de récidive, Bradley Manning est accusé d'avoir téléchargé illégalement du matériel
militaire confidentiel sur un ordinateur personnel non sécurisé entre le 19 novembre 2009
et le 27 mai 2010. En d'autres termes, il est soupçonné d'avoir transmis des secrets
militaires à l'organisation WikiLeaks. Des tonnes de secrets : près de 260
câbles diplomatiques américains confidentiels, la vidéo d'une bavure de l'armée
américaine datant de 2007 montrant un hélicoptère faisant feu sur une douzaine
de personnes dont deux employés de l'agence Reuters, la vidéo d'une autre
bavure datant de 2009, en Afghanistan, où l'armée américaine tire sur 140
civils et des milliers d'autres rapports de guerre.
via www.mediapart.fr