Certains vous assimilent au mouvement de l'avant-garde espagnole baptisé « Génération Nocilla ». Est-ce que vous revendiquez cette appartenance ?
Le courant « Nocilla » est une littérature qui mélange tout. Sa caractéristique principale est de mélanger la culture dominante et la sous-culture. D'où l'importance centrale des concepts de mutation et d'hybridation.
Je crois que les auteurs de ma génération le font tous aujourd'hui. Par exemple, je peux très bien avoir lu Dostoïevski et en même temps être fondu de musique rock. Un groupe espagnol comme Extremoduro a été d'une influence déterminante pour moi.
Je considère son chanteur comme l'un des plus grands poètes du XXème siècle. Pour parler d'amour, il utilisait des métaphores très noires que les gens trouvaient sales. Mais pour moi le romantisme c'est ça : pouvoir donner de la beauté à ce qui est sale. Dans « Carte du Labyrinthe », j'utilise beaucoup cette façon d'écrire.
Les jeunes auteurs sont évidemment influencés par le cinéma, la musique ou les comics. Mais nous sommes peut-être la première génération à revendiquer ces influences. C'est ce que j'appelle l'hybridation. Nous sommes sortis de la figure littéraire, hiératique de l'écrivain. Je ne pense pas que le roman soit voué à l'extinction, mais qu'un nouveau genre va surgir de la révolution numérique, une forme de narration digitale.
Ne craignez-vous pas d'être identifié comme un auteur générationnel ?
Je ne me soucie pas des étiquettes. Les livres parleront d'eux-mêmes. Le jugement vient à la fin d'une œuvre et non au début. Je ne suis pas attaché à l'image cérémoniale de l'écrivain en pyjama et pantoufles, chevillé à sa table avec une tasse de thé fumant à la main. Désormais, les écrivains se montrent et investissent la scène, et c'est une bonne chose.
Vous avez participé aux manifestations des « Indignés » qui viennent de secouer l'Espagne. Quel regard portez-vous sur ce mouvement ?
Je suis perplexe. Je ne comprends pas que les hommes politiques restent sourds aux revendications de ce mouvement ou aient tenté de le criminaliser. La revendication était pourtant très simple : dé-mo-cra-tie. Les hommes politiques l'ont superbement ignorée, ils vivent dans un monde parallèle à la société. Finalement, pourquoi ces gens font-ils de la politique si pour eux la politique n'a plus rien à dire ?
Ce mouvement m'a beaucoup surpris parce que je n'attendais plus rien de l'Espagne. L'idée était de se rendre visible. Et ça a réussi au point d'occulter totalement les élections. Ce mouvement était une façon d'appeler au retour du politique. Nous voulons tout simplement nous réapproprier le pouvoir de décider.
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